Ecotaxe : et si elle était supprimée… ? 5 novembre 2013 Transport 2 Comments Marie MEHAULT Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Temps de lecture : 4 minutes14H35, ce samedi 2 novembre 2013. A Saint-Allouestre, dans le Morbihan, un portique écotaxe est en feu. Des flammes, hautes de 5 à 6 mètres, lèchent le métal de ce dispositif technologique sophistiqué… 20 minutes plus tard, le portique s’effondre. Pendant ce temps, à Quimper, 30 000 manifestants défilent, bonnet rouge et parapluie. Pour l’emploi, mais aussi contre l’écotaxe, qui cristallise leur colère depuis des mois. Une écotaxe qui avait déjà été reportée au 1er janvier… et qui, désormais, est tout bonnement suspendue. Pour l’instant, cette suspension n’est que temporaire, « le temps de la concertation », selon le Premier Ministre qui a pris cette décision mardi 29 octobre dernier, à Matignon. Une décision qui fait beaucoup parler, quand on sait que 250 bornes et 180 portiques ont déjà été installés, un peu partout en France, et qu’Ecomouv’ (la société avec qui l’Etat a signé le contrat pour mettre en place les infrastructures et l’organisation écotaxe) a déjà dépensé pour cela environ 600 millions d’euros. « Il faudra trouver une solution », s’inquiète Michel Cornil, vice-président d’Ecomouv’. « Pour l’instant, on a dû supporter de gros investissements et il n’y a pas un euro qui est rentré ». En effet, la société doit se rétribuer sur les futurs prélèvements, et pas avant. Autant dire que l’Etat est condamné à payer. Car une clause prévoit un dédommagement exorbitant à Ecomouv’ en cas de rupture de contrat : «Le contrat qui a été signé par Madame Kosciusko-Morizet (ex-ministre de l’Ecologie), par Monsieur Baroin (ex-ministre de l’Economie), par Madame Pécresse (ex-ministre du Budget) à une société qui s’appelle Ecomouv’, si on devait le délier, ça coûterait 800 millions d’euros, voilà ce qu’on nous a laissé et voilà pourquoi on ne peut pas revenir en arrière», a ainsi déclaré Stéphane Le Foll, le ministre de l’Agriculture actuel. Appuyé dans ses déclarations par Frédéric Cuvillier, le ministre des Transports. Pourtant, la suppression pure et simple de l’écotaxe, c’est exactement ce que réclament la plupart des agriculteurs et des routiers français. Entre 800 000 et un million de véhicules doivent en effet être concernés par cet impôt supplémentaire, issu du Grenelle de l’Environnement sous Nicolas Sarkozy, et qui vise à faire payer les poids lourds de plus de 3,5 tonnes qui circulent sur les 15.000 kilomètres de routes communales, nationales et départementales bientôt taxées. Objectif : récolter 2.8 milliards d’euros de recettes fiscales en 11 ans, et inciter les chargeurs à basculer vers des modes de transport plus écologiques. Evidemment, c’était compter sans le soulèvement très virulent des contribuables concernés, qui ne décolèrent pas : déjà le report de la mise en œuvre au 1er janvier 2014 a coûté cher à l’Etat, puisque selon l’Officiel des Transporteurs, ce nouveau délai représente un manque à gagner en recettes d’environ 90 millions d’euros par mois pour l’État, soit environ 700 millions d’euros entre juillet dernier et le 1er janvier 2014. Si cela devait être reporté au-delà, vers la mi-2014 par exemple, le casse-tête financier deviendrait insoluble. Pour l’instant donc, cette mesure, au départ étonnamment consensuelle (même les députés PS s’étaient ralliés aux députés de droite lors du vote à l’Assemblée, en 2009) est en train de virer à la patate chaude, que chacun tente désespérément de refiler au voisin : Jean-Marc Ayrault regrette cet « héritage » du gouvernement Sarkozy, tandis que l’opposition, aujourd’hui, n’assume plus trop son initiative passée : même Jean-Louis Borloo, pourtant initiateur de la mesure, demande aujourd’hui à ce qu’elle soit « revue et corrigée » ! Malgré le coût que cela représente pour l’Etat, une majorité des Français approuve la suspension de l’écotaxe : ils sont 52% à estimer que c’est une « preuve d’écoute ». Mais il reste difficile de croire que le gouvernement pourra supprimer la mesure purement et simplement. Paradoxalement, cela pourrait accroître le discrédit du Président et sa chute vertigineuse dans les sondages d’opinion à cause de ses décisions « trop versatiles ». Dans le contexte de rigueur actuel, cela remettrait également en cause trop de choses dans le projet de loi de finances 2014. Enfin, le contrecoup d’une telle mesure serait très certainement un nouveau matraquage fiscal des Français, par d’autres biais, encore plus impopulaire alors que François Hollande vient de décréter une « pause fiscale », justement. Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Marie MEHAULT