Chirurgie : ces greffes de plus en plus incroyables qui redonnent espoir 30 juillet 2015 Santé Marie MEHAULT Temps de lecture : 6 minutesIl s’appelle Zion Harvey, il a huit ans… originaire de Baltimore, il vivait depuis six ans déjà amputé des deux mains et des deux pieds, à la suite d’une grave infection. Aujourd’hui, il est le plus jeune greffé des deux mains au monde ! Cet exploit, a été présenté ce mercredi 29 juillet 2015 à Philadelphie, aux Etats-Unis. Jamais un être humain si jeune n’avait pu, ainsi, bénéficier d’une double greffe des membres supérieurs. « Quand j’ai eu deux ans, on a du me couper mes mains. Je voudrais dire aux docteurs merci, pour m’avoir aidé sur cette route difficile », a déclaré le petit garçon d’une voix fluette aux caméras venues de tous les pays du globe. Son opération, a duré au total près de 11 heures. L’équipe médicale, composée de pas moins de quarante personnes, a utilisé des vis et des plaques pour fixer les os. Mais il a ensuite fallu reconnecter les artères et les veines de la main du donneur. Puis les tendons, les muscles, et les nerfs. Le docteur Scott Levin, directeur du programme de greffe de la main à l’Hôpital pour enfants de Philadelphie, n’a pas caché sa satisfaction devant une telle prouesse : « Les mains du donneur de Zion sont parvenues en excellent état, et il reçoit tous les jours des médicaments antirejet. Nous pensons donc qu’il va pouvoir grandir comme un enfant normal ». La maman de Zion, est bouleversée par la réussite de l’opération : « Il est extraordinaire, Zion avait appris à manger, à écrire et même à jouer au babyfoot ou aux jeux vidéo sans ses mains… Mais pour moi c’est une bénédiction, ce qui vient de se passer. C’est un cadeau de Dieu pour mon petit ange », a déclaré Pathie Ray en conférence de presse. Elle devrait pouvoir rentrer chez elle à Baltimore avec son petit garçon, dans quelques semaines. Des vies sauvées par des greffes inespérées, il y en a de plus en plus. Des patients, qui ont échappé à la mort mais qui gardent des séquelles terribles d’une maladie ou d’un accident, au niveau du visage, du corps, ou des organes. Le 24 juin 2015, il y a à peine un mois, c’est à Limoges, en France, que se déroulait une autre première mondiale : un sternum en céramique, greffé en lieu et place de l’os de la patiente, une femme qui souffrait d’un cancer de cet os, situé au milieu de la poitrine. « Nous avons choisi ce matériau car jusqu’à maintenant, il était utilisé en orthopédie et pour toutes les interventions que nous avons réalisées dans ce domaine, la céramique n’a jamais généré d’infection, contrairement au titane ou au ciment osseux », explique le docteur François Bertin, chirurgien thoracique et cardiaque. « Le gros avantage de cette céramique poreuse, c’est qu’elle est de nature équivalente à de l’os spongieux tout en étant plus dure, et donc l’os du patient va pouvoir pénétrer dans la céramique, et la coloniser. « Ce sont des pièces qui présentent une résistance mécanique de l’ordre de 20 megapascals, c’est trois fois la résistance mécanique de l’os », détaille Guillaume Leveque, responsable céramique de l’entreprise I CERAM. Cette entreprise, a choisi de se spécialiser dans la fabrication d’implants en porcelaine : une petite révolution. En Afrique du Sud, mi-mars 2015, une équipe de chirurgiens a réussi une autre prouesse : une greffe de pénis, acte chirurgical extraordinairement délicat… qui s’est soldé par un succès, après 9 longues heures de travail au bloc opératoire. Et pour la première fois, trois mois après l’intervention, le greffé, un jeune-homme de 21 ans qui avait du être amputé, se porte bien. La greffe a totalement changé sa vie : désormais, il peut uriner et même procréer, comme n’importe quel autre homme. « Le pénis du patient avait du être amputé après un rituel de circoncision pratiqué à l’âge adulte, et qui a généré une infection, puis provoqué une gangrène et une amputation, à l’âge de 18 ans », raconte le Professeur André Van der Merwe, chef du service urologie de l’Université de Stellenbosch dans la province du Cap, en Afrique du Sud. L’organe a été prélevé sur un donneur décédé : une transplantation à haut risque qui ne peut pour l’instant en aucun cas être pratiquée en France, où elle est interdite : « Il est certain que si on légalisait la greffe de pénis en France, nous chirurgiens français aurions à répondre à une forte demande, notamment pour des raisons esthétiques. Techniquement, nous avons largement la compétence pour le faire, mais nous ne le faisons pas, tout simplement pour des raisons éthiques, puisque, pour pouvoir accepter cet organe qui est greffé, le malade doit recevoir en même temps un traitement lourd qui baisse ses défenses immunitaires à vie, qui l’expose à des infections, et même à certains cancers », explique le Professeur François Desgranchamps, chef du service d’urologie et de transplantation de l’Hôpital Saint-Louis, à Paris. Si cette greffe pourrait, à terme, permettre à de nombreux patients hommes de retrouver une virilité normale, il faut donc encore pour l’instant progresser sur les traitements anti-rejets associés. N’empêche : là encore, une petite révolution est en marche. Première étape de cet incroyable cycle d’exploits scientifiques dans le domaine de la greffe ces 5 dernières années : une greffe totale du visage, en mai 2011, sur Dallas Wiens, un Américain de 25 ans dont le visage avait été entièrement détruit après un accident, alors qu’il avait heurté une ligne à haute tension pendant une cueillette de cerises. Prouesse médicale évidemment : 15 heures d’opération, une trentaine de médecins, un greffon prélevé sur un donneur, puis repositionné sur le visage du patient, point par point, méticuleusement : les lèvres, les muscles, les nerfs, les vaisseaux, et les os du nez. Prouesse humaine, aussi : « C’est un véritable cadeau. Ma fille était tellement surprise qu’elle m’a dit que j’étais beau. Imaginez ce que cela fait de sentir un baiser à nouveau sur ma joue… En plus d’avoir récupéré la sensibilité au niveau de visage, en plus d’avoir retrouvé une bouche, je peux à nouveau sentir les odeurs. Mon nouveau visage est parfaitement fonctionnel. Je me suis rapproché de ma famille et je suis une meilleure personne maintenant », avait déclaré Dallas Wiens à la presse, quelques mois après sa greffe. « Nous entrons dans une nouvelle ère, tout cela représente de grandes conquêtes pour la médecine, et surtout de grands espoirs pour tous ces patients qui attendent quelque chose, quand leur vie a basculé, ou quand ils voient bien que leurs semaines sont comptées », estime le Professeur Alain Deloche, chirurgien cardiaque. Dans ce domaine, l’implantation, en avril 2015, d’un cœur CARMAT entièrement artificiel, sur un troisième patient français à l’Hôpital Européen Georges Pompidou, à Paris, a constitué une autre de ces avancées majeures dans l’histoire de la médecine et des greffes. « Ce cœur artificiel, représente en effet une perspective extraordinaire pour la médecine : une petite machine extraordinairement sophistiquée et pour l’heure, toujours en phase d’expérimentation, qui reproduit à l’identique les battements d’un cœur naturel. Seule l’alimentation électrique extérieure marque la différence. Le premier porteur volontaire d’un cœur CARMAT était décédé 74 jours après l’implantation ; puis, après des modifications, un deuxième patient avait été greffé. Ce dernier, est décédé plus de 9 mois après l’intervention chirurgicale qui avait eu lieu à l’Hôtel Dieu de Nantes. Et cette fois, ce n’est pas le cœur qui a causé la mort, mais une défaillance des poumons, du foie et des reins. Les médecins, continuent à fonder énormément d’espoirs sur cette nouvelle technologie. Un quatrième transplanté français devrait permettre de conclure bientôt les premiers essais cliniques. Viendront ensuite des expérimentations à plus grande échelle… Dans l’attente, un jour, d’une commercialisation de ce cœur artificiel. Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Marie MEHAULT