Attentats du Thalys : la SNCF et le gouvernement prennent-ils à la légère la sécurité dans les trains ? 26 août 2015 Transport 2 Comments Marie MEHAULT Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Temps de lecture : 5 minutesAprès l’attentat déjoué à bord du Thalys qui reliait Amsterdam à Paris, vendredi dernier, le 22 août 2015, la question se pose forcément : peut-on encore renforcer la sécurité à bord des trains, des bus, dans les gares ? Ayoub El Kazani, un homme de 26 ans d’origine marocaine, est monté à bord du Thalys à Bruxelles, avec dans son sac, une kalachnikov, une arme de poing légère, et une arme blanche. Il avait aussi sur lui 9 chargeurs, soit 270 balles. De quoi assassiner froidement autant de passagers. Ce qu’il aurait réussi à faire, sans encombre, si 5 personnes à bord, dont 3 militaires américains, des Marine’s en permission qui faisaient le tour d’Europe entre amis, n’avaient eu la présence d’esprit de réagir en l’entendant armer son chargeur, dans les toilettes. Ils se sont jetés sur lui, aidés par deux autres héros, un Français et un Britannique, et sont parvenus à le maîtriser. Mais quelle est la probabilité, dans les autres wagons, les autres trains, que d’autres aient la même formation au maniement des armes, la même habitude du combat, la même présence d’esprit pour réagir aux signaux d’alertes et le même courage pour agir, au péril de leur vie ? Chaque année, 100 millions de voyageurs circulent à bord des TGV français. Les gares, lieux ouverts, et les voyageurs avec ou sans bagages sont désormais la hantise des services de sécurité. Et il y a de quoi. Nous avons fait le test : nous prenons le Paris-Lille de 14H46, ce lundi 24 août 2015. Il y a du monde, le train est bondé, retour de vacances oblige. Des militaires en patrouille sont répartis le long du quai. Ils surveillent l’installation des voyageurs. A qui nous demandons si cela les rassure… ou pas ! « Cela me rassure, oui, psychologiquement, mais je ne suis pas sûr qu’en termes de prévention cela soit très efficace », confie Michel, 52 ans, qui fait l’aller-retour tous les jours à cette heure là. « Je ne suis pas persuadé que quelqu’un qui aurait envie de commettre un attentat puisse être arrêté par cela… ». « Je ne vois pas de changement par rapport à la présence militaire et policière déployée depuis janvier. L’attentat déjoué du Thalys n’a manifestement rien changé », regrette Chantal, 49 ans, terrorisée par l’affaire El Kazani. « C’est à nous d’être plus vigilants quand nous sommes dans un train, c’est à chacun de faire attention, l’Etat ne peut pas tout », estime Karl, 27 ans, qui prend lui aussi le train plusieurs fois par semaine. « Juste un petit regard, un petit moment d’attention de plus, quand on s’assoit, quand on remonte le couloir pour aller au toilettes ou au wagon bar, ça peut tout changer. On peut repérer quelque chose d’anormal, un bagage abandonné… Après tout, vendredi 22 août, c’est parce que des passagers ont remarqué quelque chose de suspect dans le comportement du type qu’ils ont pu intervenir. L’Etat ne peut rien de plus que ce qu’il fait déjà aujourd’hui ». Charlotte, 19 ans, préfèrerait, en ce qui la concerne, que le gouvernement français mette en place dans les gares les mêmes mesures que les aéroports : « L’attaque du Thalys a vraiment réveillé une peur panique en moi. J’aimerais mieux des contrôles systématiques comme avant de monter dans un avion. Dans les aéroports la sécurité sait exactement avec quels bagages les passagers montent à bord, ce qu’il y a dans les valises ou les sacs. Dans les trains n’importe qui peut rentrer avec n’importe quel sac et n’importe quel objet dedans ». A l’inverse, Bilal, 30 ans, n’a pas envie de tomber dans la psychose : « je n’ai pas envie de tomber dans la paranoïa et de regarder constamment autour de moi, si quelqu’un est suspect ou pas ». Nous ne croiserons qu’un seul contrôleur, à l’embarquement, qui ne contrôlera… rien du tout, de tout le trajet. Pas d’agent de sécurité à bord non plus, ou en tout cas s’il y en avait, ils étaient très discrets. De toute façon, il semblerait que le contrôle systématique dans les trains, à la manière des contrôles dans les aéroports, il ne faille pas y songer : deux jours après l’attaque évitée du Thalys, Guillaume Pépy, le patron de la SNCF, est sorti de son silence pour annoncer, dans le Journal du Dimanche, que c’était une mesure totalement impossible à mettre en place : « Les trains en France, c’est 20 fois plus que l’aérien. Des mesures de contrôles systématiques avant embarquement, ce n’est pas une piste sur laquelle il faut compter ». Dans l’immédiat, la SNCF ne met donc en place que deux nouvelles mesures, à la demande du gouvernement : un numéro vert, le 3117, pour signaler tout acte suspect ou toute situation anormale. Ce sont des cheminots, formés à la sécurité, qui feront le tri dans les appels… Et puis, un renforcement de la signalétique pour appeler les voyageurs à la vigilance. Rien d’autre pour l’instant… Ailleurs en Europe, pourtant, des mesures de renforcement de la sécurité ont fait leur preuve. Comme en gare d’Atocha à Madrid, en Espagne, 11 ans après les attentats les plus meurtriers qu’ait connus le pays : près de 200 morts et 1400 blessés, après quatre explosions simultanées dans des trains de banlieue, le 11 mars 2004. Désormais, à Atocha comme dans toutes les gares espagnoles, l’accès aux quais est réglementé. Chaque passager doit être muni d’un billet, chaque bagage doit avoir été scanné. Un contrôle moins poussé que celui des aéroports, mais qui permet de repérer des armes ou des produits dangereux. Sur les grandes lignes, des contrôles sont aussi effectués à la sortie des trains. Le gouvernement français, lui, n’envisage pas ce type de protocole sécuritaire. Mais rappelle tout de même que le plan Vigipirate mobilise déjà 30 000 policiers et militaires, autour de 5000 lieux sensibles dont les gares. Pour la SNCF comme pour l’Etat, la meilleure réponse au terrorisme reste l’action des services de police et de renseignement. Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Marie MEHAULT