Les médecins soulagés : le tiers payant ne sera pas généralisé en 2018 30 octobre 2017 Economie Marie MEHAULT Temps de lecture : 4 minutesAllez voir n’importe quel médecin généraliste et demandez lui son avis : c’est le mot « soulagement », qui revient toujours ! Après des années de protestation, de manifestation, de grève implicite à la carte vitale, et aussi, des années d’inquiétude à se demander comment ils allaient faire, c’est la bonne nouvelle de l’automne et un indéniable point positif à porter au crédit du nouveau gouvernement : la généralisation du tiers payant, projet phare du quinquennat Hollande et fer de lance de Marisol Touraine pendant tout son ministère, est donc supprimée. Le projet de budget pour la sécurité sociale en 2018 a été adopté dans la nuit du 27 au 28 octobre 2017, sans cette mesure. C’était l’une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron, d’ailleurs, qui avait tout de suite promis qu’il reviendrait sur cette obligation. Déjà en vigueur pour 11 millions de Français, dont les malades de longue durée ou les femmes enceintes par exemple, ce dispositif permettant de consulter sans payer, aurait du bénéficier le 1er décembre 2017 à tous les Français. « C’était aberrant, d’abord d’un point de vue technique, pour nous, parce que ça revenait à nous demander de faire, en plus de notre boulot, le boulot des mutuelles et de la sécu ! », résume un porte-parole du syndicat MG France (Médecins Généralistes de France). « Le tiers payant généralisé devait permettre à tous les patients de France et de Navarre de ne pas avancer leurs frais de santé quand ils allaient voir leur toubib. Mais les toubibs en question, de quoi vivent-ils ? De leurs honoraires, et s’il fallait attendre le bon vouloir des mutuelles et de la santé pour être payés, on aurait tous très vite mis la clé sous la porte ! Donc freins techniques, administratifs, retards de paiements assurés… même s’ils l’avaient voté nous ne l’aurions pas appliqué ». Mobilisés depuis 2014 et l’annonce de la loi santé portée par Marisol Touraine, les médecins étaient déterminés, mais fatigués : 3 années de grèves et d’actions, sans relâche, pour dénoncer une loi menée sans concertation avec les professionnels de santé, et au détriment des patients, à cause de la surcharge de travail engendrée. « Il aurait fallu que nous vérifions tous les soirs que nos comptes étaient soldés, une usine à gaz infernale imposée de façon autoritaire aux médecins : il n’en était pas question, et la profession a rarement été à ce point unanime sur un dossier », analyse de son côté le SNJMG, le Syndicat National des Jeunes Médecins Généralistes. « Pour lutter contre la désertification médicale des zones rurales et encourager les jeunes médecins à s’installer dans les zones mal desservies, on a fait mieux ! Il aurait fallu, en plus des astreintes, des visites à domiciles, des consultations pendant 13 ou 14 heures par jour, que nous restions au cabinet jusque minuit ou une heure du matin pour faire de la paperasse ?! ». Du côté des patients, les associations s’inquiètent : « l’arrivée du tiers payant généralisé était une bonne nouvelle pour nos compatriotes les plus fragiles, ceux pour qui ça n’est pas rien de débourser 25 euros chez le médecin, en particulier quand on tombe malade à la fin du mois », déplore Alain Michel Ceretti, président de France Assos Santé (ex Union Nationale des Associations Agréées d’Usagers du Système de Santé, UNAASS). Des usagers, rejoints par l’opposition sur ce dossier : dans les rangs de la France Insoumise, on regrette ainsi l’abandon de l’« une des trop rares mesures de l’ère Hollande qui représentait un véritable acquis social », regrette ainsi Adrien Quatennens, le très médiatique député FI du Nord. « En cédant à l’ordre des médecins, on cède à la puissance d’un lobby au détriment des Français qui se retrouve privés de cet acquis social ». « J’ai demandé un rapport sur le sujet, et ce rapport démontre que techniquement, le tiers-payant généralisé n’est pas faisable au premier décembre », a argumenté Agnès Buzyn, la Ministre de la Santé. Elle a désormais le choix entre deux options : le renvoi du tiers payant généralisé en 2019… ou une mise en place facultative au bon vouloir des médecins. Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Marie MEHAULT