Sages-femmes : pour ou contre les maisons de naissance ? 10 juin 2013 Santé Marie MEHAULT Temps de lecture : 5 minutesGros débat en perspective, jeudi 13 juin au Sénat : car il sera question d’approuver, ou pas, la proposition de loi sur l’expérimentation des maisons de naissances, un sujet qui passionne les professionnels de santé, mais aussi les familles en général, et bien sûr, les mamans. Le constat : les maternités sont de plus en plus saturées, et en conséquence, les patientes comme le personnel des maternités sont de plus en plus nombreux à déplorer une dégradation, voire une « déshumanisation » des soins : « Aujourd’hui, on n’a plus le temps de rien », déplore Gisèle, sage-femme depuis 30 ans. « On multiplie les césariennes, parce qu’elles peuvent être planifiées et du coup, ça permet de lisser les plannings. Mais c’est quand même une opération chirurgicale, qui abîme le corps de la femme, fait prendre des risques inutiles, et de plus en plus, on programme des accouchements comme ça juste pour des raisons pratiques, alors qu’ils pourraient très bien se faire par voie basse ! » Résultat : le Collectif Interassociatif autour de la naissance (CIANE) réclame la mise en place de dispositifs alternatifs. L’existence de maisons de naissance dans d’autres pays européens, comme par exemple la Suisse, fait des émules. « Je suis passée d’une grande maternité, froide, blanche, avec des lumières violentes et un personnel pressé et stressé, à la maison de naissance de la Roseraie, près de Genève », explique Viviane Luisier, sage-femme. « C’était le jour et la nuit ! La maison de naissance offre de petites chambres doucement éclairées, aux couleurs discrètes, à l’ombre des arbres. Elle est juste à côté de la clinique, ce qui est rassurant si un transfert est nécessaire. Mais tout est fait pour que la femme se sente presque comme chez elle, tranquille, toute à son affaire ! Ce qui est dommage, c’est que les médecins ont un discours très négatif sur les maisons de naissance. Ils découragent les patientes de choisir cette alternative. » Sages-femmes et puéricultrices, sur ce point, sont souvent en désaccord avec les obstétriciens-accoucheurs. Les premières semblent majoritairement favorables aux maisons de naissance, tandis que les seconds voient cela d’un assez mauvais œil. « Les femmes ne sont pas encore au point sur les risques encourus pendant une grossesse », nous explique un gynécologue, rencontré pendant les assises de Premup, la Fondation de Coopération Scientifique sur la Grossesse et la Prématurité, ce vendredi 7 juin au ministère des affaires sociales et de la santé. « 97% des femmes perçoivent la grossesse comme un moment où il faut prendre soin de soi et du futur bébé, alors que les risques de complications sont multiples, et ce, jusqu’à l’accouchement. Mettre un enfant au monde reste délicat et dangereux, quoi qu’on en pense, même dans nos sociétés d’aujourd’hui. Au contraire, l’une de nos dernières études met en lumière un fait inquiétant : l’impact de la crise sur le nombre de grossesses pathologiques. Presque un tiers des femmes interrogées déclarent renoncer à certains soins, comme les échographies ou les rendez-vous de suivi, pour des raisons financières. Dans ces conditions, un accouchement en dehors du contexte hospitalier peut mener à des tragédies. » A l’inverse, la plupart des sages-femmes plaident pour ces structures alternatives, où l’accouchée n’est plus passive pendant son accouchement, mais en est actrice. Elles se basent sur la parole de leurs patientes, de plus en plus nombreuses à rechercher ce type de maisons d’accueil pour mettre leur enfant au monde, accoucher dans un milieu surmédicalisé est tout simplement inenvisageable. Certaines, font un blocage absolu. Les méthodes parallèles, comme l’accouchement dans l’eau, l’accouchement zen, et surtout l’accouchement à domicile, reviennent à la mode. Et pour beaucoup de sages-femmes, mieux vaut un accouchement accompagné dans une maison de naissance, qu’un accouchement à domicile mal préparé… « J’ai remarqué que beaucoup de femmes étaient inhibées par l’hôpital », explique Laure, 32 ans, sage-femme. « Elles ne se sentent pas bien, reculent au maximum le moment où elles doivent partir de chez elles, appréhendent l’accouchement et le vivent comme un calvaire, ce qui crée des blocages physiologiques et psychologiques qui peuvent avoir des conséquences dramatiques sur l’acte lui-même. » « Lorsque nous avons transformé une salle de naissance traditionnelle en salle de naissance nature, dans laquelle nous avons changé l’éclairage, mis un piano, une piscine… nous sommes passés de 200 naissances à plus de mille par an » ! explique Michel Odent, ancien gynécologue à Pithiviers et fervent défenseur des méthodes alternatives, pourtant peu suivi par ses confrères. « Partout dans le monde, il y a des noyaux de gens, de femmes, de professionnels, qui réalisent qu’on fait peut-être fausse route », poursuit le médecin, qui a aussi créé un centre de recherches sur la naissance, à Londres. « Mais en France, on est en retard. Il est encore très difficile de trouver une autre possibilité que le grand département d’obstétrique conventionnel. En Grande-Bretagne, une femme peut choisir entre l’hôpital public, l’hôpital privé, la maison de naissance indépendante, la maison de naissance rattachée à un hôpital, la sage femme du service de santé, la sage-femme indépendante… elle peut même, si elle le veut, être accompagnée par une doula !!! » En France, il existe seulement deux maisons de naissance expérimentales en région parisienne. Une troisième devrait voir le jour à Rennes, d’ici 2015… et peut-être d’autres encore, avant la fin de la décennie. « On parlera de familles, et non de femmes ou de mères, car dans les maisons de naissance on prend en compte le couple », explique Christiane David, membre de l’association Maisounaiton, qui a ficelé le dossier de la future structure. « Nous accompagnerons environ 500 familles par an. C’est peu, puisque la maternité d’à côté compte 3200 accouchements par an. Mais c’est déjà énorme. La maison de naissance assurera le suivi de chaque étape de la grossesse, des échographies à la préparation à la naissance, en passant par les échographies, l’accouchement, le suivi du retour à la maison et de l’allaitement… il faut dire que chez nous, les patientes resteront 12 heures au grand maximum ! Mais ça coûtera beaucoup moins cher à la collectivité, avec moins de gestes médicaux, et moins de médicaments ». Les demandes commencent déjà à affluer… alors que la première pierre du futur édifice n’a même pas encore été posée ! Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Marie MEHAULT