Obésité : faut-il taxer les aliments gras, salés et sucrés ? 19 août 2013 Société Marie MEHAULT Temps de lecture : 5 minutesAlors que Michelle Obama pousse la chansonnette pour lutter contre l’obésité, dont elle a fait une cause nationale aux Etats-Unis, alors que le Canada s’apprête à instaurer une nouvelle taxe sur la « malbouffe », où en est-on en France ? Faut-il aussi chez nous taxer les aliments qui ne plaisent pas aux nutritionnistes, boissons gazeuses, barres chocolatées et autres biscuits apéritifs ? Pour l’instant, on n’en est pas encore là. Mais l’idée fait son chemin ! Notamment pour combler une fois de plus le déficit de la Sécurité Sociale… Du coup, en mars dernier déjà, une question avait été posée au Journal Officiel, par le Sénateur Jean Germain, sur « les conséquences de l’alimentation industrielle déséquilibrée ». Question, dans laquelle l’élu rappelle que toute cette malbouffe ingurgitée crée de graves problèmes de santé, dont le coût est supporté par la collectivité. En France, le coût des maladies cardiovasculaires, par exemple, représente près de 29 milliards d’euros par an ; les cancers, 13 milliards ; le diabète, 12,5 milliards… et l’obésité, 4 milliards. Evidemment, la question d’une nouvelle taxe sur ces aliments trop chargés en sucres, sel, gras, conservateurs et autres colorants, suscite un vrai débat : d’abord, parce que cette taxe toucherait tout le monde, quel que soit notre tour de taille et notre hygiène de vie. La sportive qui se fait plaisir avec une boisson gazeuse de temps en temps, sera punie autant que le glouton qui va au fast-food tous les soirs ! Surtout, cette taxe pénaliserait fatalement les plus pauvres, dont toutes les études ont montré qu’ils ont plus souvent recours à la nourriture industrielle, moins chère que le frais ou le bio. Enfin, rien n’indique que cela serait efficace sur l’obésité : les consommateurs trouveront toujours le moyen de substituer un produit taxé par un autre moins taxé, et pourtant tout aussi calorique. « Cela pourrait pourtant être efficace », nuance quand même Fabrice Etilé, économiste. « L’Histoire a montré que la fiscalité contribue à changer de manière intrinsèque nos comportements alimentaires et nos habitudes ». En attendant des mesures aussi radicales, le problème de l’obésité est de plus en plus pris au sérieux par les institutionnels et le corps médical. Partout, des associations et des programmes spécifiques de soins voient le jour. Ainsi, nous avons rencontré Caroline, suivie depuis avril par une équipe de nutritionnistes. Pour accéder à cette consultation, elle a du écrire une lettre de motivation, et s’engager à suivre les séances du programme de lutte contre l’obésité. « Qu’est ce que vous avez appris dans ces groupes ? » demande la diététicienne… « A prendre confiance en moi, à considérer mon corps comme une personne, et surtout apprendre à l’écouter », répond la jeune-femme, toute fière. Caroline a déjà stoppé la spirale infernale des kilos. Elle a aussi renoué avec l’activité physique : deux fois par semaine, elle va à l’aquagym avec une association. Une séance adaptée pour les personnes en surpoids. Dans l’eau, essentiellement des femmes : même si les hommes sont autant touchés par l’obésité, ils ne sont que 20% à s’inscrire à ces programmes. Venir à la piscine : la plupart des participantes ne l’avaient plus fait depuis des années. Par peur du regard des autres mais aussi par renoncement à l’effort. « C’est vraiment une heure d’effort intense », confie Sidonie, 20 ans, 104 kilos. « Et on y va, quoi ! Je sens que ça me fait beaucoup de bien. Je me suis aussi remise à la marche… ». « En dehors du bien être, il y a aussi l’aspect social qui est hyper important », raconte Catherine, 38 ans, 97 kilos. « On reprend confiance en soi, on s’encourage, on se motive… de temps en temps il y a des larmes qui coulent, on se console… c’est un vrai partage. » Au fils des séances, les participantes sont devenues une vraie bande de copines. Invariablement, les conversations tournent autour du poids et de la nourriture. Des souffrances et des colères qu’il génère. « Dès qu’on voit les pubs le soir pendant les films, ça fait clic à l’estomac et j’ai envie de quelque chose ! Deux minutes de plaisir, 20 ans dans les fesses !!! » rigole Angèle, 42 ans, 109 kilos. « Il y a toujours un dessin de la femme sculptée, on ne va jamais montrer une femme bien en chair ! » renchérit Catherine, 58 ans, 95 kilos. Pourtant, elles sont contre l’idée d’une taxation de la nourriture industrielle. « On souffre déjà plus que les autres, on ne pas payer plus, par-dessus le marché ! ». Elles, elles pensent plutôt qu’il faudrait taxer la pub, l’ennemie jurée de leurs régimes. La pub : l’une des causes les moins combattues de l’obésité. Chez le premier groupe agroalimentaire mondial, elle représente 100 millions d’euros par an rien qu’en France. Mais tous les industriels assurent travailler sans relâche à l’amélioration nutritionnelle de leurs produits. Et plusieurs ont signé avec l’Etat pas moins de chartes d’engagements dans le cadre du plan national nutrition santé. « 80% des produits ont été rénovés en dix ans », explique-t-on chez Nestlé. « Cette rénovation consiste notamment à enlever du sel, du sucre, du gras, mais aussi à rajouter des nutriments comme par exemple les céréales complètes. » En un demi-siècle malgré tout, le volume de notre assiette a doublé. Il s’est aussi enrichi en graisses et en sucre. Ajoutons les sodas, parfaitement inutiles d’un point de vue nutritionnel. Leur consommation a connu un boom de 800% en 50 ans ! Aujourd’hui, l’offre alimentaire est partout, tout le temps, et nous bougeons de moins en moins. Tous les ingrédients sont réunis pour une obésité galopante. Dans certaines municipalités, comme Fleurbaix et Laventie dans le Nord, on s’est mobilisé dès 1992, de manière très précoce. Les enfants ont été suivis dans toutes les écoles, et sensibilisés sans relâche au bien-manger. L’idée : éduquer les enfants pour qu’à leur tour, ils éduquent leurs parents quant à leurs habitudes alimentaires ! Vingt ans plus tard, l’expérience Fleurbaix-Laventie est connue dans le monde entier, sa méthodologie appliquée dans 25 pays. Son ambassadeur : Jean-Michel Borys, le médecin endocrinologue par qui tout a commencé. « A Fleurbaix et Laventie, il y a deux fois moins d’enfants en surpoids et obèses que dans les villes où rien n’a été fait », explique l’intéressé. « En 1992 il y avait 12% d’enfants obèses à Fleurbaix et Laventie, aujourd’hui il y en a un peu moins de 9% alors que partout ailleurs il y en a entre 18 et 20 % ». Cette méthode à succès est devenue un label, EPODE, comme « Ensemble Prévenons l’Obésité des Enfants ». Aujourd’hui, 220 villes en France surveillent la ligne de leurs petits. Les écoliers sont sensibilisés dès la maternelle, et de manière régulière. Une approche ludique par le toucher et l’odorat, voilà le secret des diététiciennes pour amener les enfants vers les fruits et légumes, et leurs multiples vertus : « Il est hors de question que nous leur donnions un cours, il faut qu’ils manipulent, touchent, et goûtent. Ils sont vraiment partenaires de l’apprentissage ». Malgré tout, l’obésité continue de progresser dans les milieux défavorisés. Qui sont déjà les plus touchés. Et qu’une nouvelle taxe pénaliserait encore davantage, c’est incontestable. Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Marie MEHAULT