Les médecins Français prescrivent-ils trop de médicaments ?

23 septembre 2013 Santé Marie MEHAULT
Temps de lecture : 4 minutes

ordonnanceToutes les études le disent : les Français sont les champions de la consommation de médicaments en Europe…. Nous sommes même médaille d’argent sur le podium mondial, juste derrière les Etats-Unis ! Et ce, pas seulement pour les antibiotiques et les antidépresseurs, mais pour tous les types de médicaments. Et ce n’est pas bon signe : car, loin de signifier que nous sommes les mieux soignés, cela veut surtout dire que nous sommes ceux qui nous soignons de la manière la plus anarchique. Les hôpitaux français recensent chaque année un nombre de cas sidérant de patients ayant fait des malaises ou aggravé leur cas, à cause des médicaments.

medicamentsChaque année, pas moins de 140 000 accidents médicamenteux se soldent par une hospitalisation, et dans un cas sur dix, le patient en décède. Et quand l’issue est moins tragique, elle est tout de même préoccupante : car à force d’ingurgiter des antibiotiques pour des maladies virales, sur lesquelles ils n’ont aucun effet, notre corps finit par leur résister. Et quand ils deviennent vraiment nécessaires, ils ne nous font plus aucun effet… Les premières victimes de ce surdosage permanent ? Les personnes âgées. Selon une enquête de l’hôpital européen George Pompidou, publiée ces jours-ci, 9 Français sur 10 âgés de plus de 80 ans prennent des médicaments tous les jours. Et, en moyenne, chacun consomme au moins dix médicaments par jour !

industrie_pharmaUne aberration médicale, quand on sait qu’au-delà de 3 à 4 molécules différentes absorbées ensemble, on ne maîtrise plus très bien leurs interactions sur le métabolisme… le risque de malaise médicamenteux en est évidemment décuplé chez des personnes âgées et fragiles. Le plus inquiétant, c’est que d’après les statistiques réalisées, la plupart du temps le traitement suivi n’est pas justifié par l’état de santé réel des patients. Une majorité de sujets âgés consomme principalement des médicaments pour les reins, le cœur, la tension ou encore, des anxiolytiques… Mais les épidémiologistes n’en constatent absolument pas la nécessité dans leurs études de cas. « La consommation actuelle de médicaments est surtout liée aux modes et aux influences », analyse un chef de service à l’hôpital George Pompidou. « La plupart du temps, on justifie une prescription par des arguments scientifiques, sans maîtriser précisément ces arguments. Ainsi, on va prescrire des vitamines ou des bétabloquants davantage par précaution, par anticipation, que par réelle nécessité. »

prescriptionsAlors, à qui la faute ? Aux médecins français, qui ont la culture de la consultation dont on ne sort jamais sans ordonnance ? « Ce qui est sûr, c’est que c’est une tendance lourde, puisque les prescriptions ont doublé depuis les années 90 », poursuit le clinicien. « Mais les torts sont partagés : il y a aussi de plus en plus de pression de la part des patients, qui ont le sentiment d’avoir consulté pour rien s’ils repartent sans un protocole de soins à suivre. Et puis, l’autre phénomène, c’est l’automédication, qui a explosé ces dernières années. Avec la multiplication des documentaires dans les médias, les articles dans les hebdomadaires, les forums sur internet, chacun a le sentiment de pouvoir trouver tout seul les solutions à son problème. » 

pharmacieEnfin, il y a l’indéniable pouvoir exercé en France par les laboratoires pharmaceutiques, qui poussent à la consommation. En France, l’industrie pharmaceutique est devenue un lobby très puissant, fort d’une solide réputation et d’une expérience de dizaines d’années jalonnées par de vraies découvertes, qui ont révolutionné la vie des patients. Du coup, s’est peu à peu installée l’idée que « la médecine, c’est le médicament ». Résultat : le patient a lui aussi intégré l’idée qu’il ne pourra pas se sortir de son mal sans « produit miracle », et il a besoin « d’absorber » pour se sentir guérir. Résultat : en France, 95% des consultations se soldent par une remise d’ordonnance, contre seulement 47% aux Pays-Bas, et moins de 10% en Chine ! Les médecins français savent qu’un patient qui sortira de son cabinet sans son papier ira consulter un autre médecin, et ne reviendra peut-être pas… En témoigne le succès de l’homéopathie, qui connaît en France un succès phénoménal, bien plus que partout ailleurs dans le monde : « l’exemple même du médicament en vente libre, qui peut soigner une multitude de maux, et qui donne surtout au patient le sentiment de pouvoir se guérir lui-même… ».

 

Marie MEHAULT