Accidents vasculaires cérébraux : des patients si attachants… 11 mars 2013 Santé Marie MEHAULT Temps de lecture : 5 minutesChaque année en France, plusieurs milliers de personnes sont victimes d’un AVC, un accident vasculaire cérébral. Dans certaines régions très industrialisées, c’est même la première cause de mortalité chez les plus de 60 ans. Dans les services de neurologie des grands hôpitaux, des unités spécialisées voient progressivement le jour. Mais aussi, des Centres de Rééducation dédiés à ces malades fragiles… et tellement émouvants. Nous avons passé 48 heures en immersion, avec eux. Pour le commun des mortels, c’est un jour comme les autres. Pour cet homme de 80 ans, qui souhaite rester anonyme et que nous appellerons Louis, un séisme personnel vient de se produire. Nous sommes au cœur d’une ancienne région minière, dans l’Est de la France. Il y a un peu plus d’une heure, Louis a fait un accident vasculaire cérébral. Un AVC. 3 petites lettres, pour un grand bouleversement. La vue qui se trouble, des fourmillements dans le bras et la jambe gauche, puis plus rien. En quelques secondes, tout a basculé. « Serrez ma main gauche, serrez ! » ordonne le médecin urgentiste à Louis. En vain. Il ne sent plus sa main, ne parvient plus à la bouger. La prise en charge de ces patients, c’est le quotidien de Catherine, neurologue. Chaque semaine, il en arrive de nouveaux, souvent gros fumeurs, peu sportifs et bons vivants. Parfois, juste malchanceux, foudroyés sans raison particulière. Comme Louis. « Vous avez mal quelque part ? » lui demande l’infirmière. Louis gémit, une plainte sourde, désespérée. Il ne sait plus parler, ni articuler le moindre mot. « Vous êtes triste », poursuit l’infirmière. « C’est normal. On est autour de vous, mais il faut essayer de maîtriser vos émotions ». Au Centre de Rééducation spécialisé, non loin du Centre Hospitalier Régional, l’AVC a aussi marqué au fer rouge la vie des pensionnaires. Il y a là Jean-Pierre, Anne ou encore Yves-Marie. La plupart ont plus de 70 ans. Norbert, lui, n’a que 50 ans, et sa grande copine Estelle à peine la quarantaine. « Je revenais d’un match de foot », se souvient Norbert. « Rien ne laissait présager que j’aurai cet accident. Et puis, en descendant du bus, je suis tombé à genoux ». « Moi, dix minutes avant, je dansais la country avec mon neveu », répond Estelle. « On devait aller boire l’apéritif chez une tante. Et puis j’ai eu mon bras tout en fourmis, mes pieds aussi… » Cette jeune mère de famille est la benjamine de l’établissement. Elle est restée partiellement paralysée après un AVC. Mais rien ne semble capable d’entamer la bonne humeur de cette irréductible boute-en-train. « Ce week-end, mon mari a fait un concours de pétanque », raconte-t-elle à la coiffeuse du Centre. « Il est arrivé premier ! ». Elle est toute fière et se pomponne avant la visite de son cher et tendre. « C’est important de rester jolie pour son mari, ses enfants. Rester jeune et bien dans sa tête, parce qu’après un AVC ce n’est pas tout rose tous les jours, donc il faut garder le moral et avoir le courage de tout reprendre à zéro. » Dans la salle de rééducation physique, au sous-sol, une vieille dame aidée d’un déambulateur réapprend patiemment à mettre le pied droit devant le gauche, le gauche devant le droit et ainsi de suite. Tenir le coup pour ceux qu’on aime, un leitmotiv ici. Car tous, ils se battent pour eux même mais aussi et surtout, pour leur entourage. « Je veux finir ma vie comme il faut », explique Yves-Marie, 70 ans. « J’ai encore ma femme, mes enfants… ». Il est ému aux larmes. « Et mes petits-enfants aussi… Je vais mieux mais pour eux, j’espère que ça ira mieux encore, demain ». Permettre aux victimes d’un AVC de vivre encore, et de vivre bien, c’est la motivation de Catherine, la neurologue. Elle accompagne et rassure les familles, elle apaise les patients affolés. Elle les soigne, bien sûr. Car on l’ignore trop souvent, mais il existe un traitement efficace pour résorber le caillot de sang situé dans le cerveau, et qui provoque l’AVC. C’est la thrombolyse, une injection toute simple mais dont peu de patients bénéficient, car elle doit être faite dans les 3 heures après le début des symptômes. « Le traitement se fait dans les 3 heures, mais il faut que dans ces 3 heures là on ait pu faire un scanner cérébral, un bilan biologique, et recevoir la famille », détaille Catherine. « C’est donc très court. » Nous retrouvons Louis, thrombolysé il y a quelques jours. C’est impressionnant : il a retrouvé une grande partie de ses facultés. « Vous ne sentiez pas du tout quand on vous touchait le bras gauche », reprend Catherine. « Et maintenant, est-ce que c’est la même chose pour les deux bras ? » « Presque », répond Louis. Mais il est toujours choqué par l’accident. En réalisant qu’il a échappé de peu à la mort, il pleure. « Je me suis levé, j’ai pris le café…. Ensuite, le blanc absolu. » Car l’AVC est un traumatisme physique, mais aussi psychologique. Il bouleverse tout. Soudain, on redevient comme un petit enfant. Il faut réapprendre à marcher, à manger tout seul, à être propre, à lire, écrire et parler. Chaque minuscule progrès est une immense victoire. « C’est des petits morceaux de puzzle à mettre les uns derrière les autres », explique Jean-Jacques, 60 ans. Son élocution est encore difficile : « faut pas mettre les chevaux avant les freins ! » conclut-il, philosophe et émouvant. Avec son orthophoniste, au Centre de Rééducation, il réapprend les syllabes, patiemment, pas à pas. Le personnel soignant doit aussi aider les patients à accepter le regard des autres sur leur handicap. Certaines familles espacent de plus en plus les visites, et se détournent du malade. Gênées de ne pas retrouver leur proche tel qu’il était avant l’accident. D’autres, sont plus que jamais attentifs, comme Charlotte, avec son Yves-Marie, à qui elle apporte chaque jour de nouvelles photos de ses petits-enfants. Mais tous les deux, ils doivent faire le deuil de leur vie d’avant, accepter les changements, et les séquelles. Apprivoiser la peur que cela recommence. L’ensemble du corps médical reçoit régulièrement chaque patient pour faire le point. Aujourd’hui, c’est au tour d’Estelle. « Je suis ici depuis 3 semaines, je vois très bien une amélioration », se réjouit-elle. « Même si je sais que ça va pas faire ça (elle claque des doigts) tout de suite ».« Ce qui est un véritable cadeau, pour l’ensemble du personnel, c’est de préparer au mieux leur retour à domicile », confie Nathanaëlle, médecin rééducateur au Centre. « Que ce soit un retour réussi, que le patient se sente bien, prêt à sortir de l’établissement ». Estelle, de retour dans sa chambre, chante un air de Piaf, joyeusement. Il reste beaucoup de travail mais bientôt, elle pourra retourner presque tous les week-ends dans sa famille. La jeune femme est heureuse et la vie continue. La vie en rose, malgré tout. Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Marie MEHAULT