Assistant sexuel pour handicapés : bientôt un nouveau métier ?

25 mars 2013 Société Marie MEHAULT
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HandicapCe lundi se jouera peut-être dans l’Essonne, à l’occasion de l’adoption du schéma départemental en faveur des personnes handicapées, une petite révolution sociétale : car cela pourrait déboucher sur l’expérimentation « d’assistants d’éveil à la sexualité » pour les personnes dépendantes. L’idée suscite la polémique, mais aussi beaucoup d’espoir pour les associations

Alors même que passe en ce moment au cinéma « The Sessions », un film américain qui relate la relation entre un homme handicapé et son assistante sexuelle, la question n’a jamais été autant d’actualité. Alors que l’aide sexuelle est légale en Suisse et en Belgique par exemple, elle reste interdite à ce jour en France, assimilée à du proxénétisme : en 2011, un député de droite avait déjà proposé la légalisation du statut d’assistant sexuel aux handicapés, mais le Comité National Consultatif d’Ethique avait émis un avis défavorable au projet.

mobilite_reduiteAujourd’hui, ce qui se joue au sein du Conseil Général de l’Essonne redonne donc espoir aux associations d’adultes handicapés : « Le plus important, c’est le sort de l’handicapé », insiste Emmanuel, père d’un jeune homme tétraplégique. « Nous devrions avoir honte de la manière dont la société traite actuellement les handicapés. Comment rester insensible à la non-existence sexuelle de ceux qui ne sont pas autonomes ? »

Evidemment, le son de cloche est bien différent du côté des associations féministes, qui redoutent des dérives assimilant ce nouveau travail éventuel à de la prostitution, mais aussi au sein des personnels soignants. « Pensons à ceux qui reçoivent, mais aussi à ceux qui donnent », témoigne une assistante de vie qui souhaite rester anonyme. « C’est un peu sordide, et le personnel soignant est déjà confronté à une tâche exténuante et délicate. Je ne me vois pas rentrer le soir en disant à mon mari que j’ai soulagé une dizaine de patients dans la journée… ». « Non mais je rêve ! » s’exclame Marie, infirmière, quand on lui demande si elle est au courant du débat. « Déjà qu’on nous considère comme des bonnes à tout faire, bientôt on va nous demander d’être formées à ce type de service ? ».

homme_handicapCependant, certains ne s’y opposent pas, confrontés chaque jour à la détresse des adultes handicapés frustrés dans leur vie intime. « Dans ma carrière d’infirmière, j’ai souvent été confrontée au problème », relate Valérie, qui travaille dans une unité spécialisée, en Institut. « Je me souviens d’un homme qui ne pouvait vraiment rien faire seul, mais qui pouvait ressentir le plaisir si on lui en donnait. Il me l’a déjà demandé, et j’ai décliné parce que les risques légaux me paraissaient trop importants. Mais cela ne m’aurait pas dérangée ».

fauteuil_roulantIl faudra bien, à un moment ou à un autre, repenser la question, car des hommes mais aussi des femmes handicapés, souffrent d’une immense solitude sexuelle. D’autant plus, quand le traumatisme résulte d’un accident, et qu’ils ont connu auparavant la jouissance d’une vie sexuelle épanouie. « Parler de prostitution, c’est nous oublier, purement et simplement », estime Ange, une jeune femme paralysée après un accident de sport. « Cela pourrait déboucher sur 40 000 postes d’assistants sexuels, il s’agit d’une initiative citoyenne, qui brave les interdits et les tabous ! » s’est réjouie devant la presse Pascale Ribes, présidente de l’Association des Paralysés de France. « Il s’agit du dernier droit à conquérir pour les personnes en situation de handicap ».

Jérôme Guedj, président PS du Conseil général de l’Essonne à l’origine de l’initiative, se dit « opposé à toute forme de marchandisation du corps humain ». « Mais il faut prendre en compte la vie affective et sexuelle des personnes dépendantes », précise-t-il. « Cela peut aller d’une information sur la contraception à des massage, des caresses, voire plus. Nous souhaitons réfléchir à un cadre éthique et juridique pour cette mission complémentaire de l’accompagnement aux personnes handicapées ».

mobiliteLes assistants sexuels à la personne handicapée, si le statut venait à être officialisé, ne seraient en aucun cas rémunérés directement par leur patient, mais salariés d’un service d’accompagnement à la vie sociale. Ce serait une formation complémentaire aux différentes activités exercées aujourd’hui par ces métiers liés à l’assistanat, sur la base du volontariat. Il faudra évidemment réfléchir aux préférences sexuelles des bénéficiaires de ce type de « soins », et prendre en compte notamment l’homosexualité de certains. Pour éviter toutes dérives, le nombre de prestations, leur durée et leur fréquence seraient strictement encadrées et limitées. L’objectif n’étant pas de rendre la personne handicapée victime d’une nouvelle dépendance, mais au contraire de lui apprendre à connaître son corps pour qu’elle puisse, ensuite, s’imaginer et se construire une vie sexuelle et amoureuse autonome, comme n’importe qui.

 

Marie MEHAULT