Attentats : pourquoi ils bouleversent l’organisation des transports

21 janvier 2015 Transport 0 Comments Marie MEHAULT
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policeSi les transports sont au cœur du dispositif, c’est pour trois raisons principales. La première : ils ont toujours été l’une des cibles de prédilection des terroristes, en particulier depuis le 11 septembre 2001. L’ensemble des mesures de sécurité dans les transports ont été bouleversées ce jour là, et revues entièrement, dans tous les pays du monde. En précipitant quatre avions de ligne contre des objectifs civils et militaires, les terroristes ont provoqué un changement drastique des mesures de sécurité dans tous les transports publics, partout, et en particulier dans les aéroports, avec des mesures radicales : fouille systématique de tous les passagers avant l’embarquement, espaces réservés aux « PIF », les postes d’inspection filtrage, recrutement de personnels spécialement formés via des sociétés spécialisées, postes de pilotage « stériles » et équipés d’une porte blindée d’accès au cockpit, protégée par une serrure à code : une fois l’embarquement des passagers terminé, personne ne peut accéder au cockpit jusqu’à l’atterrissage. En France, le 11 septembre 2001 a vu naître des dizaines de règlements nouveaux, édictés par pas moins de douze administrations ou entités (État, aéroport, compagnie, police, gendarmerie, douanes, etc.).

 

gareLe 7 juillet 2005, quatre explosions touchent les transports publics de Londres, faisant 56 morts et 700 blessés. En février 2004, à Moscou, une bombe explose dans le métro, causant 40 morts et plus de 100 blessés. A Madrid, le 11 mars 2004, ce sont des trains de banlieue piégés qui ont explosés, tuant près de 200 personnes et en blessant 1400 autres. Le 25 juillet 1995 à Paris, c’est un attentat dans le RERB, à la station Saint-Michel, qui avait coûté la vie à 8 personnes et fait 117 blessés. « Les infrastructures et les équipements de transports sont la cibles d’actes de terrorisme pour toute une série de raisons », nous explique-t-on au FIT (Forum International des Transports), basé à Paris. « D’abord parce qu’ils sont relativement accessibles ; ensuite parce qu’ils ont un fort potentiel médiatique, et parce qu’ils sont nimbés d’une aura nationale ; enfin parce qu’ils permettent de toucher beaucoup de monde en une seule fois ». C’est la raison principale pour laquelle le Plan Vigipirate, remanié en 2014 après l’attentat perpétré par Mohammed Merah à Toulouse, accorde une attention toute particulière aux transports : patrouilles renforcées sur tous les grands réseaux, dans les gares et les stations ; présence d’alertes vocales incitant les voyageurs à la vigilance, et sur les écrans, logo Vigipirate. Poubelles condamnées dans ces mêmes lieux, renforcement des contrôles des passagers et des bagages, à un niveau particulièrement soutenu. Ne vous étonnez pas si vous avez à subir des contrôles d’identité plus fréquents et, à l’occasion, des fouilles. Les contrôles de détection d’explosifs, à l’aide de chiens, sont aussi renforcés. Ce qui, d’ailleurs, ne manque pas d’occasionner de nombreuses perturbations et retard, puisque les colis suspects ou les bagages abandonnés mobilisent systématiquement les forces d’alerte.

 

aeroportsLa deuxième raison pour laquelle les transports font l’objet d’une attention particulière de la part des pouvoirs publics en période de risque accru d’attentat, c’est parce qu’ils restent un moyen pratique pour les auteurs d’actes terroristes de s’enfuir : même si, désormais, la vidéosurveillance est partout, les transports publics – comme le métro dans les grandes capitales – drainent tellement de monde, des millions de personnes au quotidien, et leur réseau est si dense, les lignes de ces réseaux si nombreuses et enchevêtrées, qu’il reste relativement facile de passer entre les mailles du filet, en se mêlant tout simplement à la foule. Surtout, ces transports urbains mènent tous à de grandes gares européennes ou à des aéroports internationaux. Et, aujourd’hui, l’un des enjeux de la surveillance dans ces infrastructures reste précisément de repérer et de tracer toute présence suspecte entrant en France, ou sortant de France. Ainsi, partout, dans les gares, les aéroports, le métro, le signalement a été donné pour tenter de retrouver Ayat Boumédiene, la compagne supposée d’Amédy Coulibaly, le tueur de Montrouge et de la Porte de Vincennes.

 

touristesEnfin, les transports sont très protégés en ce moment, en particulier à Paris mais aussi ailleurs en France, parce qu’ils sont le cœur névralgique du tourisme mondial : la France est la première destination touristique du monde, et draine chaque année près de 100 millions de touristes venus des quatre coins de la planète. Toucher la France, c’est donc un moyen pour les terroristes de toucher aussi d’autres pays, via les touristes : les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, Israël, Moscou… Or, ce sont les transports qui condensent le plus grand nombre de voyageurs venus de partout. Non seulement, parce qu’ils relient la capitale aux gares et aux aéroports, comme nous le disions plus haut, mais surtout, parce qu’ils relient la Tour Eiffel et le Château de Versailles, le Louvres et le Trocadéro, l’Arc de Triomphe et Notre-Dame de Paris. Etc… « La présence des forces de l’ordre, mais aussi d’agents de sécurité de la RATP, de la SNCF ou du STIF, s’est particulièrement affirmée dans certains « sites sensibles » que sont les stations du RER parisien et les gares connaissant une forte affluence : Marne-la-Vallée, La Défense ou les deux gares de l’aéroport de Roissy », expliquent conjointement le Syndicat des transports d’Ile-de-France et la SNCF. « Les quartiers touristiques et commerçants de la capitale, en particulier le secteur des grands magasins de la rive droite, font aussi l’objet d’une vigilance accrue, surtout en cette période de soldes qui y attirent les foules« . Même chose dans les infrastructures de transport de toutes les grandes villes touristiques (Lille, Lyon, Bordeaux, Marseille…). Les contrôles et les fouilles de véhicules aux frontières devraient aussi logiquement être renforcés. Il n’y a plus qu’à prendre son mal en patience… un mal pour un bien.

 
 

Marie MEHAULT