Autisme : une nouvelle campagne d’information pour continuer à progresser 30 mars 2016 Société Marie MEHAULT Temps de lecture : 7 minutesC’est le lancement, ce mardi 29 mars 2016, d’une nouvelle campagne d’information sur l’autisme : le gouvernement veut informer et sensibiliser sur ce handicap, mais surtout lutter contre l’exclusion des personnes qui souffrent d’autisme, dans une société rarement tendre avec la différence : par exemple, seulement 20% des enfants autistes sont scolarisés. Alors la volonté affirmée de ce spot, c’est tout simplement de redonner la parole, à ces enfants, à ces adultes autistes, et à leurs familles : en France, 600 000 personnes souffrent d’autisme, dont 30 000 enfants. Dans ce spot, Eliott, 7 ans, autiste, intègre une troupe de théâtre. Ses parents découvrent alors l’histoire de leur enfant sur scène… et il est transfiguré, il sourit, danse, rit, communique. C’est le Ministère de la Santé qui a financé ce film : « Le vrai changement, la vraie révolution, c’est d’avoir un regard différent sur l’autisme. Pour dire les choses clairement, les personnes avec autisme vivent leur autisme du début à la fin de leur vie, ce n’est donc pas à elles à s’adapter à la société, c’est à la société de s’adapter à elles », analyse Ségolène Neuville, secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. L’intégration à l’école, le dépistage précoce, la prise en charge sont encore très loin d’être satisfaisantes. Pour les associations, cette campagne d’information était un coup de projecteur absolument nécessaire : « Je pense que cela va amener le public à voir ce handicap différent, et à voir notamment cette question de l’inclusion dans la société, du respect de la différence, et de la possibilité que l’on a, en s’y prenant tôt et en s’y prenant correctement, d’accueillir des enfants, des adolescents et des adultes aussi dans le monde ordinaire, pour leur proposer une vie plus digne, plus proche de nous et plus respectueuse de leurs différences », explique Vincent Dennery, du collectif Autisme. Sandra, 5 ans, a ainsi eu la chance d’être intégrée à un programme spécifique dédié aux enfants autistes. Suivie depuis mai 2014 par une structure spécialisée, près de Dijon. Tous les mois, elle a rendez-vous avec sa maman pour rencontrer une psychiatre, faire le point sur l’accompagnement qui lui est proposé, et voir ce qui pourrait évoluer : « nous avons des éducateurs et des éducatrices qui prennent Sandra en charge sur des pans éducatifs spécifiques à la maison et à l’école, elle vient aussi ici le mercredi après-midi, une semaine sur deux, pour faire des activités comme la médiation avec l’animal, il y a aussi un temps sportif avec un autre éducateur, voilà… Sandra a la chance d’avoir une équipe au grand complet qui s’occupe très bien d’elle », se réjouit sa maman, Cathy. Une équipe pluridisciplinaire, et surtout, spécialisée, qui intervient pour chaque enfant en fonction des besoins : « Cet accompagnement se fait dans le cadre d’un projet personnalisé, et l’équipe pluridisciplinaire va à la fois aider la famille dans le cadre du soutien à la scolarité de l’enfant, pour les autistes adultes, dans le cadre de la formation et de l’insertion professionnelle… Et surtout, surtout, l’objectif général est de développer l’autonomie de la personne autiste », explique le directeur de l’établissement. Les progrès de Sandra depuis qu’elle fait partie des petits protégés de cette structure, ses parents les constatent jour après jour : « C’était une petite fille non verbale, et là son langage s’étoffe d’heure en heure, c’est surprenant. On avait Sandra avant et on a Sandra aujourd’hui, et on croit très fort à la continuation des progrès dans le futur », raconte ainsi son père, très ému. Mais ce type de programme, et les enfants qui en bénéficient, restent, hélas, trop rares en France. Informer le public, c’est bien mais pas suffisant, estiment d’autres collectifs de parents, qui réclament en complément de ce film de vraies mesures, concrètes. Car les plans autisme se succèdent depuis des années, sans que les choses évoluent fondamentalement : « Moi je veux que l’on aide mon enfant à aller à l’école, à avoir un éducateur formé qui s’y connaisse, que moi on m’aide aussi dans mon rôle de parent, que l’on nous accompagne dans le quotidien, que l’on puisse faire des sorties en famille, partir en vacances normalement… La compassion moi elle ne m’aide pas, elle ne sert pas à grand-chose, ce qu’il faut ce sont des moyens, et des moyens conséquents, d’autant plus que l’on sait aujourd’hui qu’un enfant autiste suivi peut progresser de manière phénoménale et même devenir indépendant », bouillonne une maman, invitée à la présentation du spot d’information avant son lancement officiel sur tous les grands et petits écrans, pour une diffusion de 15 jours. Rien qu’au niveau du dépistage, les associations de parents aimeraient une meilleure sensibilisation des personnels soignants, et une meilleure formation à l’autisme. « Quand je suis allée voir mon pédiatre avec Lorenzo, alors âgé de 3 mois, le médecin m’a presque grondée de m’inquiéter exagérément, il m’a sermonnée, pour lui mon fils était tout à fait normal », raconte une autre maman présente dans la salle. « J’ai eu beaucoup de mal à trouver un pédiatre qui me dirige vers un centre pour autistes, et même à m’expliquer l’autisme, je ne savais même pas que cela existait quand j’ai accouché ! ». Pourtant, on le sait aujourd’hui, le diagnostic précoce est décisif pour une bonne prise en charge. Des études internationales l’ont montré : si on intervient de manière efficace entre 0 et 3 ans, on peut gagner jusqu’à 20 points de QI pour le reste de la vie de l’enfant. Un challenge passionnant pour les soignants… Et ils sont de plus en plus nombreux à s’intéresser à l’autisme, à réclamer des formations… qui ne leur sont malheureusement pas souvent accordées. Alors aujourd’hui, les associations réclament la généralisation de la création de centres experts, avec des médecins, des infirmiers, des aides-soignants spécialisés, avec une connaissance approfondie de ce handicap si particulier. Quelques uns existent en France, à Limoges notamment, mais ils restent des structures pilotes, sans garantie que le modèle soit étendu à toutes les régions et, dans l’idéal, tous les départements. « Pourtant, c’est moins de délais d’attente, des dépistages plus tôt, donc une meilleure prise en charge », explique le professeur Barthélémy, l’une des plus grandes spécialistes françaises de l’autisme. « La recherche est aussi fondamentale pour progresser sur l’autisme, et nécessite de vrais moyens. Aujourd’hui, on sait très bien que l’autisme n’est pas le résultat d’une réaction psychologique à une maman qui abandonne ou qui est déprimée, on sait que ce sont très probablement des molécules produites par des gênes et qui ne se distribuent pas normalement dans le cerveau, mais on n’en sait pas beaucoup plus, et nous devons à tout prix continuer à progresser là dessus. C’est en cela que l’Etat peut apporter sa pierre à l’édifice, en soutenant nos crédits de recherche sur l’autisme ». Autre vrai problème français : la prise en charge des adultes autistes. La plupart sont encore aujourd’hui internés dans des hôpitaux psychiatriques, sans bénéficier d’aucune prise en charge spécifique à leur handicap. Ce qui les frustre… et les met en colère, ou les rend parfois violent : une spirale infernale. Parfois même, les structures psychiatriques préfèrent les rendre à leurs familles, qui gèrent comme elles le peuvent, au jour le jour, souvent démunies et dépassées. Pourtant, lorsqu’ils sont pris en charge dans un centre d’accueil spécialisé, comme celui de Poitiers, ouvert en 2005, les autistes adultes redeviennent presque instantanément sociables, et réapprennent très vite à canaliser leur violence : « Nous avons un double concept : d’abord, ne pas fonctionner sur l’enfermement. Ensuite, essayer de limiter au minimum les traitements médicamenteux et les calmants. Et dix ans plus tard, le pari est gagné », raconte un éducateur. « J’aime les activités, ranger la vaisselle, essuyer la vaisselle, et le bricolage », sourit Nicolas, autiste de 32 ans. Ludovic, 24 ans, semble aussi heureux comme un poisson dans l’eau : « C’est important de me sentir bien, oui, oui. Je fais des activités et je me sens bien ici, hein, t’inquiète pas », nous raconte-t-il. Le centre accueille 24 adultes autistes accompagnés par 43 professionnels. Chacun progresse à son rythme. Une vraie chance pour les parents : « Cela lui fait beaucoup de bien, cela nous fait beaucoup de bien, à lui et à moi. Cela m’a soulagée, cela m’a permis de faire autre chose, de sortir de mon quotidien avec lui à la maison. Cette institution est la chose la plus belle qui ait pu nous arriver ». Des centres qui ont aussi permis de vaincre pas mal d’idées reçues : « Au départ nous avions une étiquette de dangerosité, les gens pensaient qu’un autiste, c’est dangereux. Depuis dix ans, nous organisons des portes ouvertes chaque année, et nous sentons bien qu’il y a un vrai progrès dans le regard des autres, de la société civile, des politiques aussi », se réjouit la directrice du Centre. Qui compte, à ce jour, 54 adultes autistes sur sa liste d’attente, comme toutes les infrastructures de ce type, hélas. Des portes ouvertes, des spots d’information… Autant d’initiatives qui peuvent sembler des gouttes d’eau au regard de tout ce qu’il reste à faire… Pourtant, selon tous les professionnels de l’autisme, il n’est pas vain de sensibiliser tous ceux qui sont en contact avec des autistes. Pour espérer faire évoluer le regard sur eux, et donc, l’accueil de chacun, au jour le jour, envers eux : à la boulangerie, à la piscine, dans les écoles, les parcs, les aires de jeux ou les administrations. Le progrès serait déjà énorme. Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Marie MEHAULT