Généralistes, spécialistes, urgentistes… Noël triste, chez les blouses blanches 10 décembre 2014 Santé Marie MEHAULT Temps de lecture : 4 minutesCette année, est vraiment une drôle de fin d’année dans le secteur de la santé. Enfin… « drôle » n’est peut être pas le mot. La semaine dernière, nous vous parlions de la grève prévue dans les établissements de santé privés à partir du 5 janvier 2015… Et bien, avant même l’épiphanie, ce sont Noël et le jour de l’an qui seront marqués par un mouvement de protestation d’une ampleur rarement égalée dans le monde de la médecine et des soins : les urgentistes, les spécialistes et les médecins généralistes seront, eux aussi, en grève ! Cela fait peut-être 35 ans que l’on n’avait pas vu un front aussi résolument uni, et surtout furieux, dans une opposition unanime au gouvernement. Du côté des médecins généralistes, Claude Leicher, président de MG France, leur syndicat majoritaire, avoue même ne pas se souvenir avoir déjà vu cela dans sa carrière. « Tout le monde est vent debout contre le projet de loi de santé de Marisol Touraine car il va à l’encontre d’une vraie stratégie de valorisation d’une médecine de proximité, organisée autour du médecin généraliste traitant. Par ailleurs, quelles que soient nos spécialités, nous sommes tous exténués par la dégradation de nos conditions de travail. » Fermés le 23 décembre, les généralistes seront au moins en grève jusqu’au 31 décembre, peut-être même jusqu’au 6 janvier 2015, voire au-delà. D’ordinaire, même si beaucoup sont en congés pour la trêve des confiseurs, ils s’organisent quand même pour assurer leurs gardes, dans chaque département et par secteurs, pour la semaine et les week-ends. « Cette année, il risque d’y avoir de grosses carences dans la permanence des soins, car plus de 70% des cabinets seront grévistes, ce qui n’en laisse qu’un sur 3 à disposition des patients… Il risque d’y avoir saturation, et beaucoup d’attente », estime Jean-Paul Ortiz, à la tête du premier syndicat de médecins libéraux (CSMF). Qui conseille à tous ceux qui auront simplement besoin d’un renouvellement d’ordonnance pour un traitement régulier, par exemple, de prendre leurs précautions avant la Saint-Sylvestre. Les généralistes, sont particulièrement inquiets de la réorganisation du système de soins en France, prévue par le projet de loi de la Ministre de la Santé. D’abord, la systématisation du tiers payant, cette dispense d’avance de frais qui doit être généralisée d’ici 2017. Pour tous les syndicats de médecins, c’est l’assurance d’un sucroit de travail administratif ingérable et onéreuse. Claude Leicher, explique ainsi que « les généralistes ne sont pas opposés au principe du tiers payant, mais à ses conditions d’application, car assurer la gestion d’un tiers payant obligatoire sera beaucoup trop chronophage, alors qu’en moyenne, 18 minutes sont nécessaires pour traiter le cas de chaque patient » : il faut vérifier la réception et la validation des droits de chaque patient au régime général, puis au régime complémentaire… Une manipulation pas toujours fiable, et qui, en plus, ne garantit pas le paiement à tous les coups. Comme pour enfoncer le clou, l’Association des Médecins Urgentistes de France (Amuf) vient à son tour d’appeler à une grève illimitée à compter du 22 décembre 2014. Un sacré bazar en perspective pour les fêtes, si les urgences ET les cabinets de médecins ferment en chœur ! Sans parler de janvier, où ce moment continuera peut-être, tandis que débutera celui des établissements privés… Il ne fera pas bon être malade, à ce moment là. Les urgentistes, eux, veulent alerter la ministre de la Santé sur leurs conditions de travail, qui n’en finissent plus de se dégrader : « Nous en avons ras-le-bol de travailler dans ces conditions », explique Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France. « Ras le bol des horaires à rallonge et d’une paie qui représente à peine plus de la moitié du temps de travail que nous effectuons réellement ». Car effectivement, une directive européenne plafonne le temps de travail hebdomadaire à 48 heures, alors que les praticiens hospitaliers font régulièrement des semaines de 60 heures pour compenser la pénurie de personnel et la désorganisation des services. Ils ne sont donc rémunérés que sur 39 heures. « Pour compenser, on a mis en place un compte épargne temps qui est une usine à gaz et qui ne fonctionne pas », déplore Patrick Pelloux. « Ce que nous voulons, c’est que l’on remette le système à plat et que l’on nous paie pour le temps de travail réel. Les médecins de ville peuvent toucher de l’argent pour le travail de nuit, la permanence des soins, bénéficier de mesures de défiscalisation, mais pas nous ». Dans plusieurs départements, de nombreux spécialistes – pédiatres, radiologues, anesthésistes, obstétriciens, dermatologues, ophtalmologues…- ont décidé de rejoindre le mouvement. Devant la levée de boucliers que son texte a déclenchée, Marisol Touraine vient d’annoncer, ce 9 décembre 2014, le report de l’examen du projet de loi de Santé au Parlement. Report prévu pour avril 2015. Ce qui, selon la Confédération des Syndicats Médicaux Français, « pourrait enfin signifier que le gouvernement commence à prendre la mesure de la gravité de la situation et de la nécessité de revoir son texte ». Pour autant, l’ensemble des préavis de grève est maintenu pour la fin d’année, toutes catégories confondues. Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Marie MEHAULT