Grippe aviaire : les transporteurs accusés de propager le virus 17 mars 2017 Transport 0 Comments Marie MEHAULT Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Temps de lecture : 5 minutesC’est une accusation lancée par le syndicat ELB, Euskal Herriko Laborarien Batasuna, la Confédération paysanne du Pays Basque : si la grippe aviaire ne parvient pas à être enrayée dans le Sud-Ouest de la France, c’est en bonne partie à cause des transporteurs de volailles. Selon Panpi Sainte-Marie, porte-parole du syndicat, « si le virus se propage aussi vite, s’il a fallu élargir encore la zone d’abattage préventif à plus de 70 nouvelles communes du Pays Basque, c’est pour une raison simple et finalement logique : le modèle actuel de transport des bêtes n’est pas satisfaisant, et c’est lui qui dissémine la grippe aviaire chaque jour un peu plus ». Pour lui, la solution est évidente : « il faut arrêter le transport d’animaux, purement et simplement. Elever, gaver et abattre sur place les animaux. C’est le seul moyen d’enrayer la pandémie ». Selon le syndicat, rejoint par de plus en plus d’éleveurs, l’abattage total ou le vide sanitaire ne peuvent pas suffire sans immobiliser les volailles infectées sur le lieu où elles ont contracté le virus : « on fait naître les canetons dans un endroit, on les déplace, on les fait grandir ailleurs, on les déplace à nouveau par camions pour les emmener sur le lieu de gavage, et on les déplace encore une fois pour les acheminer à l’abattoir. C’est ce processus qui propage la grippe aviaire à vitesse grand V ». Face à ces critiques, certains professionnels du foie gras, comme le CIFOG (Comité Interprofessionnel des Palmipèdes à Foie Gras), ont proposé deux mois de confinement… Mais le confinement est loin de faire l’unanimité des petits producteurs, qui en sont déjà à deux pétitions pour demander que l’on oublie cette solution, trop dispendieuse, selon eux. « Les producteurs de foie gras sont parfois de très grandes sociétés comme Labeyrie, parfois des petits producteurs artisanaux qui n’ont pas les moyens d’investir dans des bâtiments plus grands pour éviter le transport des volailles. Du coup leurs bêtes vont être agglutinées dans un espace restreint, ce qui aura pour seule conséquence une aggravation des conditions d’hygiène et de sécurité. La filière est frappée par la crise depuis maintenant un bon bout de temps, personne n’a les moyens de faire des frais supplémentaires pour qu’un confinement se passe dans de bonnes conditions », explique un éleveur du « Mouvement des Canards en Colère ». Surtout, les transporteurs spécialisés refusent qu’on leur mette la grippe aviaire sur le dos… et redoutent une perte d’activité dévastatrice si les volailles ne devaient plus subir le moindre transport durant la chaîne d’élevage, de gavage et d’abattage : 60% des transporteurs du Sud-Ouest sont déjà directement touchés par la grippe aviaire. « En 2014 c’était exactement la même chose : après plusieurs mois de lutte pour enrayer la propagation du virus, tout le monde a remis en cause comme un seul homme le temps de réaction des transporteurs de volailles entre les élevages et les sites de gavage et d’abattage. Sauf que nous sommes nous-même dépendants de la réactivité des services sanitaires ! Quand on les prévient qu’il y a un risque sur un élevage, et que les élevages voisins sont donc menacés, il faut attendre plusieurs jours avant qu’ils fassent des prélèvements, puis encore environ 5 jours avant que les analyses soient confirmées. Pendant ce temps, nous ne pouvons pas stopper tous nos convois, derrière il y a des coopératives, des gens qui travaillent pour vivre et qui ont besoin de nous aussi. Nous ne sommes pas vétérinaires ! Nous sommes des professionnels du transport, avec des délais de livraison à respecter, des commandes à honorer, et ce n’est pas à nous de décréter que tel ou tel camion de volailles ne partira pas. Parce que ce n’est pas notre travail de savoir déterminer si telle ou telle volaille a pu contracter le virus H5N8. Evidemment qu’un convoi de 7000 volailles qui part d’une exploitation contaminée cela propage le virus. Sauf que jusqu’à ce que nous ayons confirmation de la contamination par les services sanitaires et vétérinaires, l’élevage est considéré comme sain. Donc s’il y a négligence et mauvaise gestion du risque, ce n’est pas aux transporteurs de volailles qu’il faut les imputer », s’insurge l’un d’eux, qui ne souhaite pas donner son nom. Un point de vue défendu par Christian Pèes, producteur de foie gras et président du groupe Euralis : « C’est assez classique de chercher des boucs émissaires, on sait bien que la grippe aviaire est un problème multifactoriel, même si nous réfléchissons à améliorer les zonages pour améliorer les transports. Après, mettre la grippe aviaire sur le dos des transporteurs, ça n’a pas de sens », explique-t-il. « On peut revenir 200 ans en arrière et éliminer les transporteurs, mais c’est une posture idéologique indéfendable et les circuits courts, qui ne suffiraient pas à nourrir la population. Même s’il faut mieux les organiser pour minimiser les risques au maximum (bâcher les camions pour que les plumes ou les excréments s’envolent, éviter les cages à claire-voie qui favorisent les vecteurs de dissémination), mais on ne peut pas atteindre le risque zéro. Il y a aussi des animaux sauvages qui véhiculent le virus par les airs, les tempêtes et les coups de vent. Réduire le transport de volailles à néant serait catastrophique, les transporteurs sont déjà extrêmement touchés, l’activité a été réduite de moitié depuis l’automne dernier, on essaie de ne pas licencier mais les transporteurs doivent mettre leurs personnels en chômage partiel. On est tous dans le plus grand embarras, les abattoirs qui ne tournent pas ce sont des ventes qui ne se font pas, les éleveurs qui souffrent ce sont derrière des prestataires de transport et de logistique qui souffrent ». Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Marie MEHAULT