L’hôpital du futur sera numérique… ou ne sera pas ! 16 septembre 2013 Société Marie MEHAULT Temps de lecture : 4 minutesJeudi 12 septembre, François Hollande et Arnaud Montebourg, son Ministre du redressement Productif, n’ont pas lésiné sur les moyens : ils ont mis les petits plats dans les grands, pour présenter aux grands patrons de l’hexagone les projets de l’Etat, pour la France industrielle de demain. Parmi les grands chantiers présentés : celui de l’hôpital numérique, l’hôpital de demain, qui devra être connecté « à tout prix » ! Car à en croire le gouvernement, le seul moyen d’améliorer la qualité des soins tout en réduisant les coûts, c’est de faire confiance à la technologie numérique. Un domaine dans lequel notre pays est très en retard, par rapport à nos voisins européens. L’hôpital numérique, donc. Quèsaco ??? Et bien cela signifie, en vrac : des dossiers médicaux entièrement numérisés, des « chambres intelligentes » où les meubles, les équipements de soins et les sanitaires seront robotisés et modulables à l’envi, des patients connectés depuis leur lit d’hôpital avec l’équipe soignante à l’intérieur de l’établissement, mais aussi avec les voisins de couloir devenus des compagnons d’infortune, avec la famille et les amis à l’extérieur, et pourquoi pas, avec leur médecins traitant, dans son cabinet. Ou encore, des jeux et des distractions en ligne, un partage universel des données médicales entre les centres de santé, des visioconférences entre les spécialistes de différentes institutions sur un cas compliqué… Pas encore le Docteur House, mais presque ! L’idée ? Améliorer le confort du patient et de ses proches (la chambre d’hôpital du futur intègrera une banquette transformable en couchette grâce à une simple pression du doigt sur une tablette tactile, des rideaux intelligents qui s’activent tout seuls à la tombée du jour, des WC encastrables, sans odeur et avec auto nettoyage automatique, des surfaces conçues dans de nouvelles matières antibactériennes…), mais aussi booster la rapidité et l’efficacité des transmissions de données entre les membres de l’équipe soignante en particulier, et du corps médical en général. Tout sera conçu pour optimiser l’énergie des professionnels de santé, et rendre la plus agréable et la moins douloureuse possible l’attente et la convalescence du patient. Un gain de temps considérable pour les diagnostics… et des patients moins grincheux pour les infirmières et les aides-soignantes !!! « C’est ce qu’on appelle l’hôpital connecté, dans notre jargon », explique un cadre de chez Orange, qui fait partie des fournisseurs potentiels, au même titre qu’Econocom, par exemple. « Nos compagnies cherchent à fournir aux établissements de santé des solutions complètes pour numériser l’hôpital de la tête aux pieds ! De l’intégration du numérique et de la domotique dans les chambres en passant par la traçabilité des médicaments à l’appel de médecins ou d’infirmières, grâce à des tablettes tactiles : tout y passe. Et l’équipe médicale intervient même jusque dans le salon des proches du malade, grâce par exemple à la diffusion d’informations pratiques sur le traitement, ou l’envoi d’ordonnances numériques directement sur le téléviseur des familles ! ». Il était temps : d’après un rapport du Sénat, qui date déjà de 2005, la France est très en retard sur ses voisins, dans ce domaine. Chez nous, seulement 20 à 30% des hôpitaux numériseraient l’imagerie médicale, contre par exemple 95% des établissements en Suède. A peine 15% des hôpitaux français disposeraient d’un logiciel d’archivage, alors que la conservation des données peut être cruciale pour certains patients nécessitant un suivi régulier… Avec l’hôpital numérique, les médecins auront, en permanence, accès via leur téléphone portable à toutes les informations concernant leurs patients : radios, traitements, bilans sanguins… Dans le cadre du plan Hôpital 2012, une enveloppe de 10 milliards d’euros a déjà été débloquée par l’Etat. Pour le reste, Arnaud Montebourg n’a pas cherché à dissimuler jeudi un appel du pied pressant aux grands partenaires du privé, appelant à la nécessité de partenariats et de coopérations avec le public. Pour l’instant, 15% de ces 10 milliards vont permettre d’avancer un peu sur le chantier du numérique à l’hôpital : notamment, avec l’installation de wifi dans les chambres pour permettre au patient de se connecter avec l’équipe soignante ou avec l’extérieur. « Une chambre d’hôpital telle que nous l’imaginons pour le futur ne devra pas coûter plus cher au patient », explique François Bloch, président du Clubster Santé qui regroupe plus de 150 sociétés de recherche au sein du pôle d’excellence Eurasanté, à Lille, acteur majeur de la réflexion sur cette « concept room » de demain. « Donc, il faut qu’elle coûte au grand maximum 10% de plus à l’hôpital qui l’achète. Ces 10% là seront facilement rentabilisés, car le numérique permet d’incroyables économies d’échelle, notamment en matière de télécommunications ou de frais postaux. Il nous a fallu 2 ans de travail pour imaginer cette chambre du futur économique. Au final, les calculs sont vite faits : les 30 CHRU de France doivent rénover leurs chambres tous les trente ans, soit 2500 chambres chaque année. Pour chacun d’entre eux, passer à la Concept Room représenterait un potentiel chiffre d’affaires de 50 millions d’euros par an, hors cliniques et maisons spécialisées ! » Plus tard, des problématiques plus complexes seront mises en place. Par exemple, au sein des services spécialisés dans la maladie d’Alzheimer : pour limiter les fugues de patients tout en leur laissant un sentiment de liberté, un système de bracelet sera mis en place. L’appareil déclenchera l’alerte à chaque fois que le malade sort du périmètre qui lui est accordé. Autre pratique qui pourrait rapidement se généraliser : l’envoi de SMS aux patients sur leurs téléphones portables pour leur rappeler leurs rendez-vous : tous les ans, chaque grand établissement de soin français perd environ 400 000 euros juste à cause de rendez-vous oubliés et d’examens manqués ! 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