La résistance aux antibiotiques : première cause de mortalité dans 30 ans ! 23 décembre 2014 Santé Marie MEHAULT Temps de lecture : 4 minutesDix millions de morts par an, en 2050, seront causés par… les antibiotiques !!! Ou plutôt, la résistance aux antibiotiques. C’est ce que vient de révéler le gouvernement britannique, après la remise d’un rapport d’experts internationaux commandé par David Cameron en juillet 2014 : « Une augmentation continue de la résistance antibiotique causerait à partir de 2050 la mort de 10 millions de personnes par an et une réduction de 2% à 3,5% du Produit intérieur brut (PIB) », est-il ainsi écrit noir sur blanc… et cela fait froid dans le dos. De la même manière que la prise de conscience écologique est extrêmement lente, la prise de conscience des patients et des soignants sur les antibiotiques ne se fait que de manière extrêmement progressive. Il faut dire que, parfois, certains antibiotiques ont un effet tellement radical, et soignent tellement facilement et rapidement, qu’il devient difficile de s’en passer. Oui, mais… ce sont aussi, à terme, des habitudes qui peuvent tuer. « L’étude évalue à 300 millions le nombre de personnes qui devraient mourir prématurément à cause d’une résistance aux médicaments pendant les 35 prochaines années », précise le document, rédigé à partir de deux études prospectives réalisées par l’institut de recherches Rand Europe et le cabinet d’audit KPMG à la demande de la Commission. « L’émergence et la diffusion de bactéries multi-résistantes aux antibiotiques est un phénomène complexe, évolutif et inquiétant, pouvant entraîner de grandes difficultés de prise en charge pour les patients, avec des situations d’impasse thérapeutique, et menacer les avancées de la médecine moderne », analysent ainsi François Bourdillon, directeur de l’Institut de Veille Sanitaire (InVS) et Dominique Martin, directeur de l’Agence Nationale de sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM). « Sans remettre en cause l’intérêt des antibiotiques dans les situations qui les nécessitent et pour lesquelles ils ont fait la preuve de leur efficacité, il faut impérativement réduire la pression de sélection due aux antibiotiques prescrits inutilement. En effet, chaque gramme d’antibiotique consommé induit une pression de sélection sur les bactéries de la flore commensale (digestive, vaginale, etc.) et concourt à l’émergence de bactéries résistantes. Ces bactéries peuvent alors conduire à une infection grave ou contaminer d’autres patients. Face à cette épidémie qui évolue à bas bruit et constitue une menace majeure pour la santé publique, une mobilisation déterminée et durable de l’ensemble des acteurs impliqués est indispensable ». En clair, si les « antibiotiques ne doivent pas être automatiques », pour reprendre le slogan d’une célèbre campagne de prévention du Ministère de la Santé il y a quelques années, c’est parce qu’à force d’en consommer trop, tout le temps (les femmes et les enfants sont les premiers consommateurs d’antibiotiques, les femmes pour les infections urinaires, et les enfants pour les infections respiratoires et les otites), le corps fini par s’habituer. Il développe alors ce que l’on appelle des BMR, des Bactéries Multirésistantes aux Antibiotiques (BMR) : des bactéries qui ne sont plus sensibles qu’à un très petit nombre d’antibiotiques. « Quand les bactéries sont soumises à des traitements antibiotiques, elles finissent par développer des résistances contre des antibiotiques auxquelles elles étaient auparavant sensibles : on parle de résistances acquises. Ces résistances sont dues soit à la mutation du patrimoine génétique de la bactérie, soit à l’acquisition par la bactérie d’un plasmide porteur de gènes de résistance provenant d’une autre bactérie. Ce dernier mode de résistance acquise est le plus fréquent, il représente plus de 80% des résistances acquises. », explique un médecin de l’InVS. Parmi les bactéries qui montrent déjà une résistance aux antibiotiques, selon l’étude de la Commission réunie par Cameron, figurent déjà Klebsiella pneumonia (infection des voies respiratoires), E.coli (bactérie intestinale) et le Staphylococcus aureus. Le VIH, la tuberculose et la malaria, suscitent aussi l’inquiétude grandissante des experts. Selon le rapport de la Commission Cameron, la résistance aux antibiotiques deviendra, dans un quart de siècle, la première cause de mortalité devant le cancer, le diabète ou les accidents de la route. Elle touchera tout particulièrement l’Asie (4.7 millions de morts par an !) et l’Afrique (4.1 million de morts par an), et dans une moindre mesure l’Europe (390 000 morts par an). Comparativement, la résistance antibiotique cause aujourd’hui 700.000 décès par an dans le monde, dont 50.000 en Europe et aux Etats-Unis. Pour la France plus particulièrement, il faut savoir que la consommation d’antibiotiques est plus importante dans le petit Hexagone que dans l’ensemble des Etats-Unis, et supérieure à la moyenne des pays européens. Le « Plan national Antibiotiques » mis en place en 2011 se fixait pour objectif de réduire de 25 % les consommations d’ici 2016. Un objectif en partie atteint jusqu’à l’année dernière, puisque dans notre pays la consommation d »antibiotiques a diminué de 10,7 % entre 2000 et 2013. Sauf que depuis… elle a repris de plus belle : pas moins de 48 boîtes consommées par habitant et par an !! La consommation française reste ainsi encore supérieure de 22 % à la moyenne observée dans les pays voisins, en particulier pour les anxiolytiques ou les antibiotiques. (cf nos articles sur le sujet). Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Marie MEHAULT