Le Tribunal de Commerce valide la reprise de Mory-Ducros par Arcole

6 février 2014 Economie, Emploi, Transport 1 Comment Marie MEHAULT
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salariesIl y a eu de nombreux rebondissements dans l’affaire Mory-Ducros ces derniers jours : à tel point qu’on se demandait encore, jusqu’à ce jeudi soir 6 février, si le juge rendrait le verdict auquel on pouvait s’attendre. La décision devait tomber à 17 heures, elle vient à peine de nous parvenir : finalement, le Tribunal de Commerce de Pontoise (Val-d’Oise) a bien validé la proposition de reprise d’Arcole Industries : « Le tribunal a arrêté le plan de cession de Mory Ducros au profit de l’offre présentée par Arcole Industries », a déclaré le président, Gérard Maury. Les 5000 salariés de Mory-Ducros et les 2000 employés des sous-traitants indirectement concernés sont enfin fixés sur leur sort. Une audience, aujourd’hui, qui a mis un point final à plusieurs semaines mouvementées et sous haute pression, jalonnées d’intenses tractations de part et d’autre. Deux personnages ont joué un rôle clé dans le dossier. Deux personnages très différents dans leur style, mais qui poursuivent le même but : sauver le maximum d’emplois, chez Arcole ou ailleurs, et limiter la casse sociale autant que possible.

 

CE_Mory_Ducros

Denis Jean-Baptiste,
secrétaire CFDT du CE Mory Ducros

Thomas Hollande, d’abord, qui a été au cœur de tous les débats cette semaine comme les précédentes : avocat de son état, il est le conseil du Comité d’Entreprise des Mory-Ducros. Il est aussi, faut-il le rappeler, le fils de Ségolène Royal et de François Hollande, ce qui n’est pas sans susciter une immense admiration chez les salariés qu’il défend. « Vous vous rendez compte, c’est le fils du Président », souffle, très fier, un salarié de l’entreprise de messagerie en difficulté. « C’est entre autres grâce à Thomas Hollande si l’offre d’Arcole Industrie s’est améliorée », estimait pour sa part vendredi 31 janvier Denis Jean-Baptiste, secrétaire CFDT du Comité d’Entreprise. « L’offre sauvegarde désormais 2 210 emplois contre 1900 dans le projet initial, et prévoie des indemnités complémentaires de 10 000 euros pour les salariés non repris. Au départ, Arcole proposait aussi d’injecter 5 millions d’euros : aujourd’hui ils sont montés à 17,5 millions d’euros, plus un prêt de l’État de 17,5 millions, et 30 millions d’euros pour les salariés qui seront licenciés, en complément des indemnités légales de licenciement».

 

Thomas_HollandeCelui qui nomme son père « François », et non « papa », est un avocat discret, du haut de ses 27 ans, désireux sans doute de ne pas tout mélanger… et d’asseoir sa crédibilité professionnelle au-delà de l’intérêt « people » que suscitent sa petite amie (Joyce Jonathan), sa mère et son père. Cheveux mi-longs, légèrement bouclés, lunettes noires à monture épaisse, fin collier de barbe et attitude sérieuse, Thomas Hollande n’est pas là pour rigoler. Et il est crédible, incontestablement, dans sa longue robe noire cravatée de blanc. C’est sa première grosse affaire, un dossier ultra médiatisé, et les enjeux sont importants. Il se méfie, surtout, des journalistes : d’ailleurs, au tribunal de Commerce, il les fuit. A tel point que les photos sont floues, tant ses apparitions sont fugaces. Jaloux du caractère privé de ses conciliabules avec ses clients, il se presse à l’arrivée comme il se presse pour quitter le Tribunal après l’audience.

 
Arnaud_MontebourgL’autre protagoniste majeur du dossier, c’est bien sûr Arnaud Montebourg, le Ministre du Redressement Productif, impliqué avec acharnement dans le règlement de l’affaire depuis le début. Placée en redressement judiciaire depuis la fin du mois de novembre 2013, l’entreprise Mory-Ducros est un symbole de la messagerie française, une gageure pour l’Etat par les temps qui courent : si Mory-Ducros déposait le bilan, c’était la plus grosse faillite dans le pays depuis l’élection de François Hollande… on comprend, donc, qu’Arnaud Montebourg soit autant investi dans le dossier. Haut en couleurs, peu avare de communication, sur tous les fronts à la fois et donc omniprésent dans les médias, le style du ministre est devenu sa signature… et cela rassure : «Fin janvier, quand l’un de nos délégués syndicaux en réunion à Bercy lui a lancé une invitation à venir voir comment ça se passait chez nous, on ne pensait pas une seconde qu’il allait le prendre au sérieux» reconnaît une salariée de Limeil-Brévannes, le plus gros site du Val-de Marne avec 186 salariés, menacé de fermeture. « Et bien il a tout de suite accepté. On lui a dit ça le mardi, il était sur site le mercredi. Bon, il ne nous a pas convaincus de lever le blocage, mais au moins il a montré qu’il s’intéresse ».

 

manifestationMalgré leur forte présence dans le dossier, Thomas Hollande comme Arnaud Montebourg ont eu des sueurs froides tout au long de la semaine : jusqu’au bout, il aura fallu négocier avec acharnement pour que la CFDT finisse par signer le plan de reprise d’Arcole Industrie. Malgré la bonne presse dont il jouit auprès de ses clients, Thomas Hollande a dû faire preuve de toute la diplomatie et de toutes ses qualités de persuasion lorsque le tribunal de commerce de Pontoise a décidé de suspendre l’audience pour une heure. En cause : des désaccords internes entre les différents membres de la CFDT impliqués dans le dossier. En effet, Rudy Parent, délégué CFDT de Mory Ducros, a refusé d’apposer sa signature et quitté la salle d’audience, réclamant d’abord une renégociation de l’offre de reprise. De l’autre côté, Denis Jean-Baptiste, secrétaire du comité d’entreprise et l’un des principaux interlocuteurs de Thomas Hollande et Arnaud Montebourg, a prié instamment son syndicat de signer, « sous peine du pire » : le spectre de la liquidation définitive et la suppression pure et simple de 5000 emplois, car Arcole exigeait un accord majoritaire des syndicats sur son offre et en avait fait une condition suspensive. Or, la CGT n’ayant pas signé, le blanc seing de la CFDT s’avérait indispensable, d’autant que la fédération est le syndicat majoritaire chez Mory-Ducros.

 

Mory_DucrosFinalement, à l’issue du bras de fer, « des garanties supplémentaires ont pu être obtenues sur le volontariat, le périmètre des agences conservées et les critères d’ordre des licenciements », a déclaré André Milan, le patron de la Fédération, qui a signé lui-même l’accord mardi soir après le refus du délégué CFDT de l’entreprise de le faire. Et ce soir (le 06/02), le dossier est enfin en passe d’être résolu. Certes, personne ne se réjouit qu’un peu moins de 3000 salariés soient exclus de l’offre de reprise, mais la casse a malgré tout été limitée. Et ceux qui n’intégreront pas les équipes d’Arcole seront pris en main : « Les 2850 salariés qui perdent leur emploi vont profiter du contrat de sécurisation professionnelle avec l’assurance de 97% de leur salaire pendant un an », a indiqué Arnaud Montebourg. « Par ailleurs, ils bénéficieront d’une bourse à l’emploi alimentée par les entreprises du secteur. »

 

Marie MEHAULT