Logistique du futur : quelle configuration en 2050 ? 25 mars 2013 Logistique 1 Comment Marie MEHAULT Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Temps de lecture : 5 minutesLa logistique du futur : ce sera le thème phare de dix grands colloques qui démarrent ce mardi à Paris, organisés par le PREDIT, le Programme de Recherche et d’Innovation dans les Transports Terrestres. Des dizaines de chercheurs et d’experts se sont penchés sur le visage de la logistique, dans les 30, 40 ou 50 années à venir. Tout est parti de l’usine Bosch de Mondeville, qui produit des équipements automobiles à destination de l’ensemble du monde. Confrontée à la concurrence des pays émergents, elle a entamé une réflexion sur la réduction des coûts, au niveau des stocks et surtout, des métiers de la logistique. Il s’agissait, plutôt que de délocaliser, de développer les « poly-compétences » des différents collaborateurs sur site. Objectif donc : améliorer la performance de la « Supply Chain » industrielle par un pilotage optimisé de ses différents composants. Au cœur de la réflexion : la mise en place d’un « milkrun » entre les deux bâtiments de l’usine, c’est-à-dire une tournée de véhicules qui combinent la livraison et la collecte, exactement comme le laitier autrefois, qui récupérait les bouteilles vides tout en livrant les pleines. Le résultat a été probant, avec « une amélioration de la santé financière du groupe sans dégradation des statuts du personnel », écrit Alain Bigot, directeur de recherche. Cette expérience a permis de montrer que l’intelligence articulée et la poly-compétence sont au centre de ce que pourrait devenir la logistique de demain, celle qui permettra aux entreprises de rebondir et de se développer sans restructurations sociales trop dures. De 17 types de postes logistiques, les collaborateurs du site Bosch sont passés à quatre métiers principaux. Le site de Mondeville est devenu une référence pour le groupe en matière de logistique, et l’organisation a été étendue à deux de ses sites en Allemagne. « Nous sommes devant un exemple typique de la reconquête du marché par la logistique », explique Michel Julien, du PREDIT. « Nos colloques ont donc pour vocation de réfléchir, ensemble, à toutes les autres manière que nous aurons dans les années qui viennent, de créer de la nouveauté en logistique. La logistique du futur, comme sont nom l’indique, c’est tout un avenir et un paysage infini de possibilités ». Quel sera donc le visage du secteur en 2040, ou 2050 ? A en croire les spécialistes, l’avenir de la logistique c’est la mutualisation des moyens. « Les vraies améliorations viendront de là », reprend Michel Julien. « Les exemples de gestion mutualisée des approvisionnements deviennent autant de success stories illustrant la performance de la démarche, autant sur le plan de la performance économique que d’un meilleur respect de l’environnement. Plusieurs grandes entreprises s’y mettent, mais les PME présentent encore un immense potentiel en la matière ». Alors, mutualiser, concrètement, qu’est-ce que cela veut dire ? « Les chercheurs parlent de la mise en place de projets « coopétitifs », explique Gilles Guieu, responsable scientifique. En d’autres termes, des stratégies qui visent à déployer des moyens logistiques communs entre les prestataires de services, les industriels et les distributeurs. « Par exemple, au lieu de manipuler des palettes dans des camions comme on le fait aujourd’hui, on passerait à une containerisation des volumes, à très grande échelle, avec une traçabilité totale et un système automatisé de la logistique de ces très grandes boîtes. Il y aurait des sites de transbordement affiliés, une lecture des codes barre à distance, et Internet serait présent à tous les niveaux. » Créer, donc, une nouvelle dynamique, un nouveau management, un nouveau pilotage des flux et une nouvelle conception des organisations. Et surtout, instituer une mise en relation approfondie entre les groupes logistiques, les consultants, les associations professionnelles, les collectivités territoriales et l’Etat. Pour, au final, améliorer la compétitivité, sur tous les plans. Pour l’instant, tout est encore beaucoup trop cloisonné dans le monde logistique, à en croire ces comités de chercheurs. « Du coup, il y a une évaporation inutile des dépenses de chacun sur la maîtrise des canaux de distribution, sur la multiplication des contrats de prestation, sur les besoins en fonds de roulement, sur les stocks, et enfin sur les services. Mutualiser tout ce qui est encore segmenté à l’extrême permettrait, à terme, de relancer la compétitivité des PME régionales sur le marché national et à l’export, mais aussi de réduire significativement le nombre de délocalisations, de stabiliser et même de relancer l’emploi, d’améliorer le pouvoir d’achat des ménages par une baisse des prix, et enfin, de réduire l’émission de gaz à effets de serre », s’enthousiasme Michel Julien, du PREDIT. Mais voilà : pas de mutualisation réussie des moyens sans développement des technologies de pointe. Les infrastructures seront plus que jamais au cœur de la problématique pour les acteurs du secteur. La façon de transporter et de manipuler les marchandises évolue très rapidement, de nouvelles marges sont offertes en matière d’énergies et de ressources naturelles, et la dynamique de la logistique du futur se trouve aussi forcément là. Dans un scénario idéal, au vu de la conjoncture actuelle, la logistique pourrait même être à l’origine d’une nouvelle ère, façon « Trente Glorieuses » : Par la mutualisation et les avancées technologiques, la massification des flux entraînerait un renouveau du maillage multimodal, fer et voies d’eau. Les « gateways », en particulier les grands ports mondiaux, les grands corridors d’échanges et les régions portuaires, bénéficieraient particulièrement de cette dynamique, et l’on pourrait assister à une ré-industrialisation de certaines régions. Seul hic : les politiques publiques jouent dans ce schéma du futur un rôle prédominant (forte intervention de l’Etat, taxation des routes etc.)… Mais cela n’est pas utopique si l’on intègre à cette vision l’expansion des technologies vertes, qui favorisent en même temps l’efficacité énergétique, les alternatives à la route et donc, des organisations logistiques durables. A l’extrême inverse, laisser le développement logistique de côté pourrait, selon les experts, conduire carrément à un « choc civilisationnel », et à une décroissance totale : fin de la société de consommation, fin de la production de masse, démondialisation, recul du PIB… Même si cela signifie aussi une baisse très nette de l’emprunte humaine sur la planète, ce scénario est aujourd’hui considéré comme « inacceptable » par tous ceux qui se penchent sur la question. Et l’emploi, dans tout ça ? Car mutualiser et développer la robotique, cela ne peut-il pas signifier une réduction des postes tenus par l’humain ? « Non », répond, catégorique, Michel Julien, du PREDIT. « Même si on automatise, on a besoin d’emplois pour faire fonctionner tout ça. Le machinisme nécessite toujours de la main d’œuvre, surtout que les gains de productivité entraîneront une croissance de l’activité et des échanges, la création de nouvelles infrastructures, etc… De même, mutualiser signifie développer l’interactivité entre tous les sites et tous les acteurs de la logistique, et pour que ça fonctionne, pour qu’on communique de manière optimale, il faudra des intermédiaires nombreux et efficaces. » D’ailleurs, en Allemagne, où le secteur de la logistique est en avance, ces améliorations ont plutôt boosté l’emploi. Programme du Predit, à partir du 26 mars 2013 : http://www.predit.prd.fr/predit4/syntheseElement.fo;jsessionid=BC3C78FB1066F57DFA607538B43533CE?cmd=edit&inCde=44138 Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Marie MEHAULT