Médicaments contre le rhume ou la toux : les associations de défense des consommateurs tirent la sonnette d’alarme 5 novembre 2015 Santé Marie MEHAULT Temps de lecture : 4 minutesDans les étals des pharmacies, ils figurent en bonne place, en ce moment tout particulièrement : « Actifed Rhume », « Humex Rhume » , « Dolirhume »… Une panoplie utilisable sans ordonnance, mais pas sans précautions : « Par exemple, l’Actifed Rhume contient du paracétamol et de la pseudoéphédrine, ainsi qu’un anti-histaminique », explique Florence Cockempot, pharmacienne en région parisienne. « La pseudoéphédrine est un vasoconstricteur, vous en avez aussi, par exemple, dans le Nurofen Rhume, qui contient également de l’ibuprofène ». En d’autres termes, dans chacune de ces boîtes, des gélules qui représentent un cocktail de molécules pouvant se révéler explosif : « l’usage combiné de paracétamol ou d’ibuprofène, avec un vasoconstricteur tel que la pseudoéphédrine ne doit jamais être administré à un patient de moins de 15 ans, et il doit être évité chez certains patients souffrants par exemple d’hypertension ou autres troubles cardio vasculaires », souligne ainsi l’ASNM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé). Combinés à un antihistaminique, ces mélanges moléculaires sont donc potentiellement dangereux… sauf que tout le monde les consomme, sans avoir aucune notion du danger qui guette : les parents en donnent à leurs enfants et les enfants à leurs parents, parfois âgés… « Pourtant, ce sont des mélanges qui favorisent les risques d’infarctus, d’hypertension ou même d’accident vasculaire cérébral », estime Victoire N’Sondé, journaliste spécialisée dans les questions de santé à 60 Millions de Consommateurs. « Nous avons testé pas moins de 33 produits, et bien je peux vous dire qu’au minimum, il faudrait en retirer la moitié du marché, et les proscrire définitivement ». « Avoir un pépin de santé sérieux pour avoir voulu soulager un rhume, c’est dommage », poursuit la jeune femme. « Nous tirons la sonnette d’alarme, parce que ces médicaments sont disponibles sans ordonnance, il y a même beaucoup de publicité qui est faite autour, dans les journaux, à la télé… il y a de l’affichage, aussi, dans le métro, dans les rues, sur les façades, aux arrêts de bus… Bref, on les banalise, alors qu’ils sont loin d’être anodins ». Ces quatre dernières années, une centaine de cas graves ont ainsi été recensés : parfois, chez certains patients, ces médicaments pourraient se révéler bien pires que le mal. « Ils sont presque tous à proscrire, si vous voulez une réponse sans ambiguïté, n’en déplaise aux laboratoires », continue la journaliste de 60 Millions de consommateurs, extrêmement remontée sur le sujet. « De même que nous déconseillons la plupart des calmants pour soulager la congestion, la gorge irritée, la rhinopharyngite etc… la seule chose que nous avalisons sans réserve, ce sont les lavages de nez au sérum physiologique, à l’eau de mer donc, et les remèdes de grand-mères type inhalations. En fait, rien de mieux que de soigner son rhume à l’ancienne ! Le paracétamol simple, sans association avec d’autres molécules dangereuses, suffit aussi à faire baisser la fébrilité ou les autres symptômes du rhume, en attendant que ce dernier disparaisse de lui-même, ce qui arrive de toute façon dans les 7 jours qui suivent le début des sensations d’inconfort, traitement ou pas traitement ! ». Même constat des associations de défense des consommateurs en ce qui concerne les médicaments contre la toux, très prisés en ce moment, humidité saisonnière oblige. Ces médicaments, sirops et autres comprimés présentés en bonne place sur les comptoirs des pharmacies, ne sont pas des remèdes efficaces, contrairement à ce que l’on croit. Sur ce point, une autre étude de 60 Millions de Consommateurs est formelle : la plupart des antitussifs sont même carrément inutiles. Ainsi, pour les toux grasses, sur tous les sirops testés, 13 sont tout simplement sans aucun effet, hormis placebo. Pour les toux sèches en revanche, si la plupart sont là encore inefficaces, 3 sont carrément à éviter car leurs effets secondaires peuvent être dangereux : néo codion comprimé, rhinathiol sirop et thiopectol sirop, sont ainsi dans le viseur des journalistes enquêteurs du titre de presse : « Ce qui est surprenant, finalement, c’est d’avoir à disposition dans les officines autant de médicaments courants et connus de tous, et qui ne servent strictement à rien, alors que l’on sait que leurs principes actifs peuvent en revanche apporter certains effets indésirables », explique Victoire N’Sondé. « Moi, ma question, c’est : pourquoi les laboratoires continuent-ils à vendre autant de médicaments, alors qu’une minuscule minorité de ces produits peut présenter un intérêt. Et au final, là encore, mieux vaut se contenter des bonnes vieilles recettes de grand-mères : miel, citron, eucalyptus, thym…». Sauf que, tout de même, les professionnels de santé tempèrent ces alertes, certes louables, mais selon eux à tendance légèrement manichéennes : « Parfois, les remèdes de grand-mères sont eux aussi inutiles, et si cela ne signifie pas qu’il faut se tourner vers de l’automédication sans effet, cela ne signifie pas non plus qu’il faut s’obstiner à ne pas se soigner autrement qu’avec des inhalations ou du miel ! », sourit le Docteur Jean-Paul Hamon, médecin généraliste. « Quand on a une infection virale, une désinfection rhinopharyngée peut s’avérer nécessaire. Ne serait-ce que parce que, quand on est affaibli, âgé, ou très jeune au contraire, une toux irritative est vite épuisante. Dans ce genre de cas, les sirops à la codéine restent efficaces. Mais ils sont délivrés sur ordonnance… et la morale de l’histoire, c’est : allez voir votre médecin, même pour un petit rhume, c’est lui qui saura le mieux quoi vous donner pour agir vraiment et efficacement ». 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