Négociations distributeurs / producteurs : vers une petite révolution 30 avril 2018 Distribution 1 Comment Marie MEHAULT Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Temps de lecture : 3 minutesTous les acteurs ont été pris par surprise : la Commission des affaires économiques du palais Bourbon a adopté presqu’en catimini le texte proposé par Jean-Baptiste Moreau, son rapporteur, député LREM de la Creuse et éleveur de bétail dans le même département. Au cœur du projet : une réforme des discussions commerciales dans la grande distribution, qui prévoit que les produits alimentaires soient tous exclus des négociations annuelles entre les distributeurs et leurs fournisseurs. Dans la nuit du 17 avril, discrètement, ce petit amendement aux allures inoffensives a été voté avec le soutien du gouvernement, comme une lettre à la poste…. Pourtant, il pourrait changer les relations commerciales de haut en bas, et de manière explosive. Chaque année, les négociations réunissent, dans des bureaux à huit clos, les grandes enseignes et tous leurs fournisseurs. Secteur après secteur, les discussions sont menées tambour battant et sous forme de bras de fer, en une seule fois et pour toute l’année, généralement entre les mois de novembre et mars. Une tradition qui pourrait donc s’arrêter net en 2019, en tout cas pour les produits alimentaires. Branle-bas de combat dans les grandes surfaces : « sidérant », « explosif », les qualificatifs fusent, pas forcément négatifs, mais tous sur le registre de l’ébahissement. Ainsi, il a osé, l’agriculteur député… et il assume : « Tout le monde se plaignait de ces négociations annuelles, que ce soit les industriels, les syndicats de producteurs, et la grande distribution. Ils pensaient tous que ce texte de loi serait inefficace tant qu’on ne sortirait pas de ces négociations commerciales et de cette logique de chantage permanent », explique Jean-Baptiste Moreau. Pour le leader mondial de l’agroalimentaire, Nestlé, cet amendement est une surprise, certes, mais pas forcément une mauvaise surprise, au contraire : « c’est peut-être aussi une opportunité pour sortir des conflits : les relations de négociations sont passées à l’affrontement ces dernières années ; dans la pratique on est passé dans la relation de force, voire de violence, en dépit des règles existantes ou en parallèle des règles existantes », explique Richard Girardot, le PDG de Nestlé France. Même soutien franc à la mesure du côté du groupe Leclerc : « Cela va faire du bien, parce que chaque marché a un tempo particulier, il y en a des saisonniers, d’autres qui dépendent du marché international, chaque secteur a ses spécificités et ses particularités, et cette idée d’une date limite, butoir, qui était la même pour tout le monde, en France et uniquement en France, c’était une ineptie », analyse Michel-Edouard Leclerc. « Les prix baissent quand les cours baissent, mais lorsque les cours remontent, les prix restent inchangés parce qu’ils ont été négociés et qu’il n’existe pas de clauses de renégociations assez strictes, c’est ce paradoxe qui crée des situations ubuesques comme on l’a vu pendant la crise du beurre », confirme Jean-Baptiste Moreau. Curieusement, les plus septiques sont aujourd’hui les agriculteurs des coopératives, qui estiment que cet amendement les prend de court en supprimant les garde-fous existants : « Je souhaite que ma proposition serve d’électrochoc pour booster l’imagination des acteurs du secteur, des professionnels de l’agroalimentaire et de la distribution comme des agriculteurs », conclut le député LREM. « A nous maintenant d’inventer un nouveau cadre ». Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Marie MEHAULT