Parents d’enfants handicapés : la fin du « système D sinon rien » ? 29 octobre 2013 Société Marie MEHAULT Temps de lecture : 4 minutesSystème D, pour Débrouille : en d’autres termes, pour les parents d’enfants handicapés qui ne trouvent pas de structure d’accueil : « rentrez chez vous avec votre progéniture, et débrouillez-vous ». C’est un peu le sentiment qu’ont eu nombre de familles, lorsque, la majorité de leur enfant venue, on leur a dit que désormais, l’établissement qui l’avait vu grandir n’était « plus adapté » pour lui. Car il existe en France une étrange façon de penser le handicap : jusqu’à 18 ans, l’enfant handicapé doit pouvoir bénéficier d’une aide et d’un accompagnement sans failles. Mais une fois le seuil de l’âge adulte franchi, il se retrouve soudainement autonome, comme si ses troubles, pourtant incurables, avaient disparu avec l’enfance. C’est cela, qu’ont vécu les parents d’Amélie, cette jeune femme autiste profonde, âgée de 19 ans et remerciée du jour au lendemain par la structure où elle avait passé les dernières années de son adolescence. Amélie a fait les gros titres de la presse, ces derniers temps, parce qu’elle a peut-être ouvert une brèche dans la jurisprudence française : ses parents ont en effet attaqué l’Etat après avoir du récupérer leur fille à la maison, et s’en occuper jour et nuit, sans aucune aide extérieure, car l’Institut Spécialisé qui l’hébergeait devait « libérer la place » pour un autre patient, mineur. Aidés de leur avocat, spécialisé dans ce type d’affaires, ils ont expliqué au juge que cette situation devenait dramatique pour tous les membres de la famille, voire les incitait à craindre « une situation d’écroulement psychique pouvant mener à une issue définitive et dramatique ». Le juge, qui les a entendus, estimant que pour les parents d’Amélie, «l’absence de prise en charge adaptée de leur fille porte une atteinte grave et manifestement illégale tant à leur droit à la sécurité qu’à leur droit à mener une vie privée et familiale normale.» Et qui vient de condamner l’Agence Régionale de santé d’Ile de France à trouver d’urgence une solution pour placer Amélie dans un nouvel établissement, sous peine d’une amende de 200 euros par jour de retard. Une première ! Car, certes, d’autres jugements ont déjà été rendus en faveur des familles, dans le même type de dossier, sauf qu’à chaque fois « l’Etat a préféré payer des dommages et intérêts, sans pour autant trouver de solution de placement », indique maître Karim Felissi, l’avocat des parents d’Amélie. Mais cette fois, « il y a eu procédure d’urgence, utilisable en cas d’atteinte à une liberté fondamentale ». Ce qui fait que le jugement devient applicable sur le champ…. En l’occurrence, le Tribunal Administratif a estimé que ce n’était pas une, mais deux libertés fondamentales qui étaient ici bafouées par les pouvoirs publics : d’abord, le droit d’Amélie et de ses parents à mener une vie privée et familiale normale. Ensuite, leur droit à la sécurité, car la famille a indiqué que ses conditions actuelles d’existence menaient tout droit à un danger imminent, pour tout le monde. Christelle Prado, présidente de l’UNAPEI (Fédération d’associations défendant les personnes handicapées mentales), considère en effet que « loin des médias, on n’imagine pas le nombre de familles en souffrance, enfermées dans une cohabitation insupportable pour tous, car le handicap vampirise tout, dévore tout, et il n’y a plus d’intimité, de tranquillité ni de sérénité pour personne. Parfois, cela peut mener à des homicides ou des suicides. Des actes désespérés, pour en finir avec une situation qui n’est tout simplement pas vivable, ni humainement acceptable ». C’est donc une vraie victoire, aujourd’hui, pour ces familles et ces associations. Des familles qui, souvent, insistent sur le fait qu’elles ne veulent pas d’argent, mais des solutions. « Souvent, les parents sont tellement épuisés par leur quotidien qu’ils n’ont pas la force d’aller en justice. Ils sont souvent dans un état d’épuisement tel qu’ils réservent leurs moindres forces pour survivre », poursuit Christelle Prado. Qui déplore qu’il n’y ait même pas de réelles statistiques publiques sur le nombre de personnes lourdement handicapées, ce qui obligerait à prendre conscience du manque cruel et chronique de places dans les établissements spécialisés. Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée en charge des personnes handicapées, explique que ça n’est pas si facile de donner des chiffres précis, car « tout dépend des handicaps et de la définition que l’on donne à un handicap dit lourd. En tout cas, 16 000 nouvelles places devraient être ouvertes d’ici 2016. mais ce n’est pas seulement leur nombre qui compte, c’est leur adéquation avec les besoins ». Depuis cette décision en faveur des parents d’Amélie, en tout, cas, les associations sont débordées par les appels de familles qui espèrent à nouveau : « elles espèrent toutes que cette ordonnance fera jurisprudence », indique l’Association des paralysés de France. Qui souligne qu’il est plus que temps, puisque «le sujet ne figurait même pas à l’ordre du jour du Comité interministériel du handicap, qui s’est tenu le 25 septembre ! ». Et vous, qu’en pensez-vous ? Pensez-vous que le handicap n’est pas suffisamment pris en charge en France ? Connaissez-vous des familles en souffrance, comme celle d’Amélie ? Estimez vous que c’est à chaque parent de subvenir, en priorité, aux besoins de ses enfants ? Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Marie MEHAULT