Plan social chez Renault Trucks, Dentressangle racheté: les salariés toujours sous le choc 7 mai 2015 Economie 1 Comment Marie MEHAULT Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Temps de lecture : 5 minutesEncore un nouveau bouleversement dans le paysage de la logistique et du transport routier français, après la liquidation de MoryGlobal en mars, avec 2 150 licenciements économiques à la clé, et l’annonce d’un plan social de 500 postes chez Gefco au milieu du mois d’avril. Le printemps 2015, sera aussi marqué par deux autres nouvelles importantes : un plan social chez Renault Trucks, et le rachat du groupe Norbert Dentressangle par une entreprise américaine. Et c’est à Lyon, au siège social de Renault Trucks, que la consternation est la plus palpable. C’est ici que les salariés ont eu confirmation de l’information, le 29 avril dernier, après un Comité Central d’Etablissement extraordinaire : leur maison mère suédoise, Volvo, va supprimer 512 postes dans sa filiale française. Et réorganiser totalement son activité commerciale, pour « augmenter son efficacité et réduire ses coûts », selon un communiqué de presse. Pour les salariés, le coup est rude. « On ne comprend pas, on a des bons résultats », explique une salariée de Saint-Priest, dans le Rhône. « On attend, on est inquiets », confie une autre. « Tout allait bien, on vendait bien nos camions… et puis là, depuis quelques années, on ne comprend pas trop ce qui se passe. Ni comment on en est arrivé là », commente un troisième. Les syndicats réfutent ces arguments, pour eux, aucune raison économique ne justifie ce plan social. « On a vraiment l’impression d’avoir affaire à des licenciements boursiers, soyons clairs », s’insurge Eric Freyburger, secrétaire du CCE Renault Trucks CFE-CGC. « D’ailleurs l’actionnaire du groupe Volvo en Suède le dit clairement. Il veut des résultats, il veut dix milliards de couronnes suédoises d’économie ». En France, les ateliers de production de Renault Trucks, comme celui de Bourg-en-Bresse, ne devraient pas être affectés par cette restructuration. Seul le site de l’agglomération lyonnaise devrait être touché. L’année dernière déjà, 510 postes, dont 319 à Lyon, avaient déjà été supprimés. Il s’agissait alors de départs volontaires. Aujourd’hui, les syndicats redoutent des licenciements secs : « Nous allons essayer de faire en sorte que ce soient uniquement des volontaires qui s’en aillent, mais vu l’ampleur du nombre, et vu que c’est concentré sur Lyon, il est fort probable que nous ayons un plan social sec. Les ventes du groupe Volvo représentaient un chiffre d’affaires de 31 milliards d’euros en 2014. Parmi les meilleurs clients de Renault Trucks : le groupe Norbert Dentressangle. Ses camions rouges, eux, rouleront bientôt sous pavillon US. Sur le site lyonnais du transporteur, dix jours après l’annonce de la nouvelle, la surprise a laissé place à l’angoisse. Le 29 avril dernier, les salariés apprenaient leur rachat par le groupe XPO… en écoutant la radio ! « On ne sait pas où on va, on est plein d’inquiétude. On attend toujours d’avoir plus d’éléments pour se faire une opinion solide. On pense que s’il faut dégraisser ils n’hésiteront pas », raconte un chauffeur, qui a bien voulu baisser la fenêtre de son camion pour nous répondre, à l’entrée du dépôt. « Ce qui est surprenant et perturbant, c’est de savoir qu’on est rachetés par un groupe qui est quatre fois moins grand que le nôtre, qui n’est centré que sur la logistique, et qui n’est pas présent sur la France ! », complète Nicolas Peyrot, secrétaire général CFTC chez Norbert Dentressangle. Faute de successeur, l’entreprise familiale, dirigée depuis 36 ans par son fondateur Norbert Dentressangle, a été rachetée 3.24 milliards d’euros par le groupe américain. Les enfants du patriarche ne souhaitent pas prendre la relève… il a donc accepté de vendre 67% de ses parts à Bradley Jacobs, le patron d’XPO, qui emploie 10 000 personnes. Mais à en croire Hervé Montjotin, président du Directoire de Norbert Dentressangle, cette acquisition représente une manœuvre intéressante, car les deux entreprises sont complémentaires. « La vraie réponse, c’est la dynamique de développement qu’est la nôtre, et elle sera forte au sein de XPO parce qu’elle n’a aucune activité en Europe, nous seront sa plateforme européenne. XPO achète une entreprise qui va fondamentalement bien, qui se développe, qui est bien dirigée. Ils achètent aussi une équipe, la stabilité managériale est essentielle pour eux. Il n’y a pas de raison avérée de s’inquiéter pour l’avenir, nous l’avons entre nos mains », analyse-t-il. Il est vrai que dans un secteur en crise, le logisticien français reste rentable : 42 000 collaborateurs en Europe et aux Etats-Unis. 13 000 employés dans le seul Hexagone, sur 176 sites. Mais les salariés ont peur : XPO ne s’est engagé à maintenir l’emploi à temps plein en France que pendant 18 mois. « En tant que Fédération, notre souci c’est vraiment de garder l’emploi. On peut donc être inquiets. Nous notre souhait, c’est que les pouvoirs de décision restent en France. Et nous espérons que cela se fera », explique Emmanuel de Bienassis, secrétaire général Union des Entreprises de Transport et Logistique. « Après, il est sûr que l’activité économique européenne ou mondiale décidera malheureusement des suites qui pourront être données ». Ce qui choque aussi, c’est cette issue incroyable, cet étonnant « échec » de Norbert Dentressangle, qui n’a pas su convaincre ses enfants de prendre la relève. Alors que le groupe qui porte son nom, est depuis presque 40 ans le symbole d’une incroyable success story à la française. Le fameux camion rouge et blanc, tous les Européens, tous les Américains le connaissent. Tous, l’ont déjà vu sur la route. Tout est pourtant parti de rien, ou presque : en 1979, dans la Drôme, l’entreprise Dentressangle c’est au démarrage une PME familiale, qui se spécialise dans la livraison de fruits et légumes en Angleterre. Et devient rapidement le numéro 1 du trafic transmanche. « Il a eu une idée, une ouverture d’esprit », raconte l’un de ses proches. « Il a même son fan club aujourd’hui en Angleterre, les «Norbert Spotters », qui le considèrent comme un visionnaire ». Dès 1998, il ne craint pas les mariages détonnants et s’associe aux américains de Mattel, c’est également le premier à inaugurer un entrepôt de logistique aux dimensions européennes. Le premier, à opérer le virage du transport vers la logistique, et le couplage réussi des deux activités. Une diversification de ses zones d’implantation géographique et de ses prestations de service, souvent imitées, rarement égalées. C’est lui, qui inventera de nombreux nouveaux métiers de la logistique, qui modernisera les compétences, les méthodes, les systèmes d’information et l’organisation du secteur. Mouvements sociaux, affaire des contrats polonais : il devra aussi essuyer la mauvaise réputation d’être un précurseur du dumping social dans les transports. Le nouveau groupe ambitionne de devenir l’un des dix leaders mondiaux de la logistique et du transport. La vente doit être finalisée d’ici la fin de l’année. Le gouvernement a déjà annoncé qu’il surveillerait de près les suites de ce rachat. Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Marie MEHAULT