SNCM, Sea France, Brittany Ferries : mort du pavillon français ?

7 mai 2013 Economie 1 Comment Marie MEHAULT
Temps de lecture : 3 minutes

prog52873,36C’est au tour de la SNCM de connaître des turbulences : jeudi 2 mai, la Commission européenne a ordonné à la compagnie de transport maritime marseillaise de rembourser 220 millions d’euros d’aides publiques jugées illégales, au regard des règles de la concurrence. Il y a un peu moins de deux ans, c’est Sea France, à Calais, qui disparaissait. Enfin, la compagnie Brittany ferries, premier employeur de marins français et dont les navires battent pavillon français, subit la crise de plein fouet, elle aussi.

« Je suis très préoccupé par l’état du pavillon français », a déclaré Frédéric Cuvillier, le ministre des transports. « Je veux que chacun se mobilise sur cet enjeu majeur pour le territoire français », a-t-il ajouté. Il faut dire que Frédéric Cuvillier, maire de Boulogne-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais, a été aux premières loges pour assister à la triste débâcle de Sea France… qui l’a beaucoup marqué : « Je suis d’un territoire où un Etat a abandonné un pavillon français, une société publique, un joyau, une histoire et un patrimoine industriel ».

prog52724,41Sea France, c’était alors plus de 1500 emplois sur le carreau. Pour Brittany Ferries, un plan de retour à la compétitivité vient d’être mis en action, il y a tout juste un mois, le 1er avril 2013. Ce qui signifie une grosse réduction des coûts salariaux. Là, ce sont 2500 emplois dans le transport maritime qui sont en jeu, dont 1700 marins et 4500 emplois indirects, essentiellement en Bretagne et en Normandie puisque les ferries de la compagnie desservent la Grande-Bretagne, l’Irlande et l’Espagne.

Mais c’est la SNCM qui subit le plus mauvais temps : l’armement marseillais, qui avait repris du poil de la bête en 2011, est de nouveau dans la tourmente. Il y a cette histoire de Commission européenne, d’abord. 220 millions d’euros d’aides publiques à rembourser d’ici la fin août ! La compagnie, très endettée, n’a évidemment pas les moyens de payer et va faire appel. Mais il y a aussi la polémique autour de l’ouverture d’une ligne entre Toulon et la Corse, prog53085,86et une renégociation très compliquée de nouveaux accords salariaux, condition sine qua non pour que la compagnie puisse dégager les moyens d’investir dans le renouvellement de sa flotte, extrêmement vieillissante : les bateaux les plus anciens datent des années 70 ! Et aucun nouveau bateau n’a été acheté depuis 10 ans, au moins…

Pour les analystes, la SNCM, mais aussi Sea France et Brittany Ferries avant elle, sont autant de situations qui reflètent un profond malaise du pavillon français : incapacité à évoluer, blocages syndicaux systématiques (pour Sea France, la CFDT avait refusé tous les plans de reprise proposés), flotte trop vétuste au regard de la concurrence… Le pavillon français en est donc indiscutablement à un tournant de son histoire. En est-il pour autant condamné ? Pas du tout, estiment les spécialistes, mais si elles veulent survivre, les compagnies doivent impérativement changer de cap : renouveler les bateaux, pour être plus fiables, plus rapides, plus compétitrices. Mais aussi, prog53267,36remporter de nouveaux marchés et ne plus se contenter des délégations de service public pour certaines dessertes. Et enfin, juguler les mouvements syndicaux jusqu’au-boutistes, qui agacent autant la clientèle qu’ils font perdre de l’argent.

La mésaventure de la SNCM avec la Commission Européenne le prouve bien : les compagnies françaises ne pourront plus compter indéfiniment sur des soutiens politiques. La réglementation européenne interdit tout éventuel « arrangement » pour maintenir artificiellement à flot des armements nationaux, et les emplois qui vont avec. Il faut réagir, et vite… car le plus dramatique, pour ces compagnies là, c’est la dégradation de leur image par rapport à celle de leurs concurrents. « Les conflits à répétition lassent nos clients, nos appuis dans les collectivités, qui n’en peuvent plus de dépenser à fonds perdus, et même nos actionnaires », explique le président du Directoire de la SNCM. « Ils nous classent dans la catégorie ‘problèmes’ et vont chercher la solution chez la concurrence ». Rebondir, est donc désormais une question de vie ou de mort.

 
 

Marie MEHAULT