Soignants du libéral et salariés : ensemble pour protester et dénoncer 15 novembre 2016 Santé Marie MEHAULT Temps de lecture : 4 minutesL’expression dans la rue d’un tel malaise, cela n’était pas arrivé depuis 30 ans, depuis 1988 exactement : les personnels de santé du public et leurs collègues du libéral, et les étudiants de la filière, ensemble main dans la main et dans la rue. Ils protestaient, ce mardi 8 novembre 2016, contre la dégradation de leurs conditions de travail. Infirmières, infirmiers, aides-soignants et aides soignantes, ils étaient 700 000 à manifester dans toutes la France ! « Cela fait 20 ans que je fais ce travail, et j’ai eu le temps de voir le métier changer, je vous assure », confie Valérie, dans le cortège parisien. « Comment expliquer, autrement, la vague de suicides qui a frappé notre profession cet été (voir notre article sur les « Conditions de travail à l’hôpital ») ? Nous sommes obligés de courir en permanence et dans tous les sens, nous n’avons plus le temps pour nos patients, que ce soit à l’hôpital pour celles qui y travaillent, ou à domicile pour les infirmières libérales ». Manque de moyens, manque de bras, heures sups à rallonge pas toujours payées, RTT ou pauses déjeuner qui sautent… les personnels soignants du public comme ceux du libéral sont d’abord fatigués. Physiquement et moralement : « Nous sommes épuisés, nous passons notre vie à compenser le manque d’effectifs, à travailler double pour compenser les absences, parce que notre profession est l’une des plus touchées en France par le burn out, la dépression, le stress, mais tout le monde s’en fout », confie un infirmier anesthésiste de l’hôpital Bichat, à Paris. A Jobvitae, on ne s’en fout pas : nous écrivons sur le sujet depuis 4 ans…. (voir nos articles : sur le burn out des étudiants en filières santé. Mais aussi sur les conditions de travail, ou encore sur la violence du quotidien des personnels à l’hôpital et sur le « blues des blouses blanches » et sur « le Noël triste, chez les blouses blanches » ). Toutes et tous dénoncent une seule et même cause : la contraction permanente des budgets, qui réduit le recours aux internes ou aux intérimaires, mais aussi le temps passé à l’écoute du patient, ou tout simplement à se reposer et à profiter des siens, « conditions indispensables pour se ressourcer dans ce métier éprouvant psychologiquement, où l’on est confrontés à la violence, à la souffrance, à la mort, à l’injustice de maladies qui frappent des enfants, des nouveaux nés, aux personnes elles-mêmes moralement atteintes comme les anorexiques, les suicidaires, les malades psychiatriques… », explique une infirmière en néonatologie. « Nous avons le sentiment d’être devenus des distributeurs de médicaments ou des perfuseurs hystériques ! Et nos collègues en libéral, c’est pareil, elles s’occupent des patients à domicile et il y en a de plus en plus puisque la restriction budgétaire à tout crin a boosté la chirurgie ambulatoire. Sauf que la liste des actes pour lesquels elles sont payées n’a pas été réactualisée depuis 2012, et elles se retrouvent à faire quantité de soins gratuitement. Par exemple pour un patient diabétique qu’elles vont visiter trois fois par jour, elles vont gagner 27,97 euros brut !!! Pour une prise de sang, 4,56 euros brut ! Quant à nous à l’hôpital, notre salaire est à un niveau tout simplement scandaleux : je gagne 1600 euros les meilleurs mois, j’alterne les journées et les nuits de garde, 12 heures d’affilée à chaque fois, et un week-end sur deux ». Les restrictions budgétaires : leur bête noire. « On nous serre tellement la ceinture que la plupart d’entre nous ont déjà été rappelés au moins une fois pendant leurs congés pour revenir en urgence », explique un autre manifestant. (Voir notre papier : « 3 milliards d’euros d’économies à trouver en 3 ans ! » ). « Les absents ne sont pas remplacés, les autres doivent se débrouiller entre eux, ce qui fait que chacun accumule la surcharge de travail ». Ce 8 novembre, pas moins de 8 syndicats appelaient à la manifestation, sorte d’Union sacrée devant les difficultés et le nombre croissant des collègues qui « craquent ». Car au-delà du manque de moyens et de bras, de la fatigue physique et morale il y a un manque cruel de reconnaissance. Infirmiers et infirmières, aides soignants, tous demandent des salaires revalorisés et des effectifs renforcés. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a annoncé qu’un plan d’accompagnement des personnels de santé allait être mis en place. Facebook Twitter LinkedIn E-Mail Marie MEHAULT