Taxe poids lourds : décryptages d’une mesure polémique

25 février 2013 Législation 6 Comments Marie MEHAULT
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poids_lourdsLa mesure a été décidée sous la présidence de Nicolas Sarkozy, elle sera appliquée par le gouvernement de François Hollande. Pourtant, droite ou gauche, transporteurs ou clients, elle soulève un vent de protestations…
Pourquoi ?

Au départ bien-pensante, la taxe poids lourds ou « écotaxe », est en train de provoquer bien plus que de simples remous dans le monde du transport routier professionnel. En effet, décidée en 2009 au moment du Grenelle de l’environnement, elle doit entrer en vigueur le 1er octobre 2013. Son principe ? Pénaliser les camions de plus de 3.5 tonnes circulant en dehors des autoroutes et autres grands axes routiers principaux.

Aire_reposSelon la catégorie du camion et le niveau de pollution qu’il génère, un barème devrait alors s’appliquer : entre 8 et 14 centimes d’euros du kilomètre parcouru. Ce sont des boîtiers, installés sur les camions, qui calculeront tout ça et permettront d’établir la facture. Objectif ? Inciter les chargeurs à privilégier le transport combiné entre rail, route, fluvial et maritime. Les transporteurs répercuteraient le coût de cette taxe (estimé à 5000 euros par an, par exemple, pour un camion parcourant 200 kilomètres quotidiens) sur les chargeurs, leurs clients.

Ainsi, le texte est au départ pavé de bonnes intentions : ne pas affaiblir les transporteurs, dont le secteur est fragilisé par la crise, tout en améliorant les infrastructures multimodales et en protégeant l’environnement. Sauf que tout paraît simple, mais chaque détail est en réalité compliqué à mettre en œuvre. Et c’est là que ça coince. Ainsi, les chargeurs ne veulent pas assumer seuls le coût généré par l’écotaxe. Pas de raison, disent-ils, que seuls les clients payent. Car dans l’idée, pour l’instant, c’est le transporteur qui récupèrerait la facture sur la route, mais il la répercuterait aussitôt au commanditaire de la livraison. Les usagers du transport routier souhaitent donc un partage du coût, à minima…. qui ne convient pas aux transporteurs, déjà très fragilisés par la concurrence étrangère.

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Autre bâton dans les roues du projet : certaines fédérations de professionnels arguent que l’écotaxe risque de provoquer des licenciements massifs dans leurs entreprises, pour tenter d’amortir le choc financier. D’autres secteurs, par exemples les distributeurs de boissons, réclament une dérogation, expliquant que la mesure leur est impossible à assumer avec des centaines de milliers de clients à desservir chaque jour, et un maillage extrêmement serré sur tout le territoire. De quoi s’arracher les cheveux…. Car finalement, chaque utilisateur du transport routier a ses spécificités à défendre, et peut faire valoir son droit à un allégement ou à un aménagement. La Bretagne entend ainsi défendre ses professionnels de l’agroalimentaire… et d’autres doléances suivront, c’est inévitable.

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Troisième facteur de grogne : la taxe ne sera pas la même selon les régions, qui pourront appliquer, par exemple, des taux différents selon  qu’elles possèdent des autoroutes à péages, ou pas. Résultat : des calculs dantesques en perspective pour les transporteurs qui sillonnent en permanence la France du Nord au Sud et d’Est en Ouest : comment vérifier que la taxe a bien été calculée ? A qui et comment la répercuter, si un trajet permet de livrer plusieurs clients ? Quelle sécurité et quels recours juridiques en cas de litige ? Etc.

La taxe, qui vise à rapporter 1.2 milliard d’euros chaque année à l’Etat, nécessite donc à tout le moins des précisions, des simplifications et des aménagements…. Du pain sur la planche, en perspective, pour les porteurs du projet. « Il faut savoir écouter et travailler ensemble pour construire les bonnes décisions », modérait le 13 février dernier le ministre des transports Frédéric Cuvillier dans un communiqué à la presse.

Dans un autre courrier à la presse, en date de ce 28 février 2013, il précise : L’écotaxe vise à instaurer un cercle vertueux en faisant payer l’usage des routes et autoroutes non concédées par l’utilisateur (…). En faisant payer les kilomètres parcourus sur les 15 000 km de réseau concernés par tous les poids lourds, elle s’applique équitablement aux véhicules français comme aux véhicules étrangers.(…) Après étude détaillée du rapport d’avancement remis, il s’avère que le dispositif n’est pas suffisamment abouti. Des travaux complémentaires sont donc nécessaires avant de passer à la phase de test d’ensemble du dispositif. Dès lors, l’Etat n’a pas accepté d’engager celle-ci et a demandé à son partenaire de livrer dans les meilleurs délais un dispositif corrigé, conformément au contrat de partenariat. »

 
 

Marie MEHAULT