Transporteurs : tous au fichier des empreintes…carbone !

7 octobre 2013 Législation 5 Comments Marie MEHAULT
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Et voilà : ça y est ! Depuis une semaine maintenant, plus moyen d’y couper. Tous les clients de camiontransporteurs ont désormais le droit d’être informés dans la plus totale transparence de l’impact précis de la prestation qu’ils demandent, sur l’environnement. En d’autres termes, vous payez pour faire transiter d’un point A à un point B des marchandises ou des personnes, par voiture, bus, camion, bateau, train ou avion, vous devez être mis au fait de ce que cela va « coûter » en terme de pollution. A l’inverse, si vous êtes patron d’une entreprise qui vend du transport, vous êtes tenu légalement de faire figurer l’information en bas du bordereau de réservation pour les voyages d’usagers, et en bas des factures pour les transports de produits. Ainsi, par exemple, la SNCF ou les compagnies aériennes font apparaître l’information en bas des billets.

En fait, cela fait longtemps qu’on en parlait, puisque cette décision remonte au Grenelle de l’Environnement fin 2007. Mais la mise en application, c’est maintenant. Le pari ? Sensibiliser les consommateurs à la pollution qu’ils génèrent en se déplaçant ou en déplaçant des biens. A titre de comparaison, sur le site chiffres-carbone.fr, vous vous rendez compte que pour une personne, un Paris-Marseille en moto a un impact de 112 kilos de CO2 sur l’environnement, 200 kilos en voiture, 257 kilos en avion, seulement 29 kilos en train et bien sûr, zéro kilo en vélo ou à pied !!!!

avion décollageCes logiciels de comparaison permettent vite de se rendre compte que tout le monde n’est pas égal, en termes d’émission de CO2. Les compagnies aériennes ont pour leur part largement anticipé la concrétisation de cette mesure, et elles proposent depuis plusieurs années un calculateur de CO2 selon le type d’avion, la distance effectuée mais aussi les conditions de vol (on émet plus de gaz carbonique quand il faut pousser les moteurs parce que la météo est mauvaise, ou lorsque l’avion est obligé de tourner en attendant de pouvoir atterrir, par exemple). Air France a par ailleurs allégé ses avions en les équipant de sièges ou de vaisselle plus légers, pour tenter de réduire le déséquilibre avec les autres moyens de transport. « Nos fauteuils pèsent désormais 5 kilos de moins, et nos plateaux repas 250 grammes de moins. Dit comme ça, cela paraît dérisoire, mais nous distribuons chaque année 14 millions de plateaux repas…. Soit, en équivalent d’émission de CO2, environ 2600 trajets Paris New-York !!! », explique Sophie Virapin, directrice environnement de la compagnie. De même, la SNCF met un calculateur à disposition de ses clients depuis déjà 7 ans au moins.

Mais pour les transporteurs routiers, c’est autre chose : cette mise en application de l’affichagepéniche empreinte carbone tombe au plus mal, alors que le secteur est à la peine, pris dans la tourmente des turbulences économiques et dans l’imbroglio de l’écotaxe. Cette dernière a certes été reportée à janvier 2014, mais elle représente une surcharge de travail non négligeable pour les entreprises, qui doivent s’enregistrer, constituer un dossier, actualiser leurs données, éventuellement renouveler leur flotte ancienne pour ne pas être trop taxées, former leurs chauffeurs à l’utilisation des boîtiers écomouv’, et ainsi de suite. « C’est trop lourd, c’est plus que nous ne pouvons en supporter, on atteint un niveau de saturation et de ras le bol rarement égalés dans la profession », déplore Nicolas Paulissen, délégué général de la Fédération Nationale des Transports Routiers. « L’empreinte carbone est aussi un casse-tête supplémentaire parce que nos camions n’ont pas un poids constant du début à la fin d’un trajet, les poids lourds chargent, déchargent et rechargent en permanence ! »

poids lourdLe secteur du transport routier est pour beaucoup composé de petites et moyennes entreprises, où l’administratif se rajoute au travail quotidien, où les patrons mettent eux-mêmes la main à la pâte, et n’ont pas forcément envie, en rentrant chez eux le soir, de se coller à des calculs sans fin sur l’empreinte carbone générée par chaque commande de la journée. Mais de manière plus générale, les transporteurs ont le sentiment que tout cela mis bout à bout n’a qu’une seule finalité : la mort de leur métier. « L’écotaxe, on nous a expliqué que c’était pour orienter les clients vers le multimodal, notamment le fret portuaire ou ferroviaire, qui génèrent moins de CO2. L’empreinte carbone : rebelote, le ministère des transports indique que c’est pour diriger progressivement les chargeurs et les voyageurs vers les solutions les plus respectueuses de l’environnement… Alors à moins d’inventer rapidement des poids lourds électriques qui se rechargent tout seuls, on va vers la disparition pure et simple du transport routier ! », s’inquiète un délégué régional dans le Nord-Pas-de-Calais.

Pourtant, ce n’est qu’un début : jusqu’en 2016, les transporteurs pourront se contenter d’afficher une moyenne par kilomètre parcouru. En revanche, les entreprises de plus de 50 salariés devront ensuite être beaucoup plus précises. Une nécessitée absolue, selon les écologistes : « le dernier rapport du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat confirme la réalité dramatique du réchauffement de la planète », analyse Benoît Hartmann, porte-parole de la fédération France Nature Environnement. « Selon le GIEC, l’activité humaine en est responsable à 95% ! Bien sûr que sur ce sujet, chacun voit midi à sa porte. Mais le seul moyen d’agir avant qu’il ne soit trop tard, c’est de coopérer au maximum, tous autant que nous sommes. »

 

Marie MEHAULT