Travailler dans le transport et la logistique avec un handicap : l’exemple de LOG’INS

24 novembre 2017 Emploi 0 Comments Marie MEHAULT
Temps de lecture : 5 minutes

C’est une entreprise très originale, et peut-être l’une des plus belles sociétés de logistique françaises, humainement parlant : Log’ins, comme « Logistique et Insertion », une entreprise unique qui allie l’expertise dans son domaine, et l’économie solidaire. La structure propose à la fois des solutions logistiques à ses clients, tout en offrant des possibilités de réinsertion professionnelle à plusieurs dizaines de salariés reconnus travailleurs handicapés. Le résultat d’une alliance réussie entre Ares, association spécialisée dans l’insertion, et de XPO Logistics, (ex Norbert Dentressangle), l’un des plus grands groupes mondiaux de transport et de logistique. Une joint-venture où chacun détient respectivement 51% et 49% des parts.

 

« Log’ins représente une forme d’entreprenariat inédite en matière de logistique, car elle allie une vraie force économique et commerciale, avec une envie humaine et philanthropique de mettre à l’honneur des talents variés chez nos salariés handicapés », explique Thibaut Guilluy, directeur général d’Ares. « Cette association entre Ares et l’un des leaders mondiaux de la Supply Chain prouve bien qu’il est non seulement possible, mais même souhaitable, de concilier le versant économique et le versant social d’une même activité pour être plus performant et plus humain à la fois ».

 

Et ça marche : « Toutes les équipes XPO qui s’associent à Log’ins autour des opérations en retirent une grande fierté, et deviennent les champions du travail interne que l’entreprise réalise sur le handicap : rompre avec les préjugés, démontrer la compatibilité avec nos métiers, adapter nos outils et nos processus », estime de son côté Bertrand Le Goff, directeur général Supply Chain France chez XPO Logistics. « S’engager auprès de Log’ins, c’est un message fort et clair auprès de tous les collaborateurs de XPO Logistics : nous soutenons ce projet, de façon concrète, au quotidien. Ce n’est pas une réalité anecdotique, c’est un engagement évident ! ».

 

Exemple très concret de cette alliance fructueuse : RecycLivres, qui récupère, trie et revend des milliers de livres d’occasion. Dans un entrepôt gigantesque de la banlieue parisienne, ce leader de la revente de livres d’occasion en ligne propose 750 000 livres en attente d’être achetés par de nouveaux lecteurs. En amont, les salariés partent chaque jour collecter en camionnettes électriques et dans des cartons recyclables, les livres donnés par les particuliers, brocanteurs ou bibliothécaires qui n’ont plus la place de les garder. Les ouvrages sont ensuite triés, scannés, référencés. Les salariés sont presque tous en situation de handicap ou en réinsertion professionnelle : ici, tout est cohérent et parvient à concilier écologie, solidarité, éthique… Ainsi, depuis la création de l’entreprise il y a 9 ans, plus de 700 000 euros ont été reversés à des associations d’aide à la réinsertion ou de lutte contre l’illettrisme et en faveur de l’éducation dans le monde. Cela représente 10% des bénéfices nets… 220 000 euros rien que l’année dernière, preuve du succès de ce modèle économique. Par exemple, l’association Lire et Faire Lire, qui intervient dans des écoles pour donner le goût de la lecture aux enfants, a reçu 62 000 euros l’an dernier.

 

Parmi ces heureux salariés, Bastien, collecteur de livres, de CD et de DVD pour RecycLivres. Chaque jour, il fait sa tournée des associations comme l’Armée du Salut (qui touchera une commission si les livres sont vendus) et des particuliers. La collecte est gratuite mais il faut donner au moins 100 livres. L’entreprise ne prend pas les dictionnaires, les encyclopédies ou les manuels scolaires périmés ou obsolètes. Mais il prend tout ce qui a des chances de se revendre. Ensuite, dans une ancienne imprimerie parisienne devenue Quartier Général de RecycLivres, les livres sont triés et référencés.

 

Les plus abîmés sont recyclés en pâte à papier, les autres revendus sur internet, « à partir de 3 euros frais de port inclus, de manière à ce que même les gens qui ont de petits moyens puissent les acheter. On essaie comme ça d’en remettre un maximum en circulation, pour que le plus grand nombre de lecteurs puisse accéder à la culture », explique David Lorrain, fondateur de recyclivre.com. « Notre force c’est d’être fédérés autour de valeurs comme la solidarité et l’écologie, associés à des outils logistiques d’une grande force d’efficacité ». Autre salariée heureuse, Carole, la petite cinquantaine, qui sort pour sa part d’un très long arrêt maladie. Elle a retrouvé une vie plus stable avec ce travail, et apprécie d’avoir des responsabilités, alors que lui sont confiées la préparation et l’expédition des commandes dans l’immense entrepôt de RecycLivres, dans l’Essonne.

 

« Chaque mois, près de 100 000 ouvrages sont classés dans notre entrepôt par nos salariés en réinsertion. 60 000 sont revendus quasiment immédiatement sur notre plateforme internet, ou via celles d’Amazon et de Price Minister, qui nous ont rétrocédé leurs marchés du livre d’occasion il y a deux ans, en échange d’une commission », explique Claudine Leclercq, directrice de Log’ins. Objectif (réussi) : « Réaccompagner des personnes dans leur retour à une vie professionnelle classique, normale entre guillemets », « Plus il y a de livres, plus il y a de travail et plus on crée de l’emploi pour des personnes en situation de handicap ». Ainsi, en 2017, environ 75 personnes reconnues en situation de handicap ont pu signer chez Log’Ins un CDD de 3 à 6 mois renouvelable. Pour RecycLivres mais aussi pour d’autres prestations et d’autres marques : réception de marchandises, tri, mise en lots, reconditionnement, mise en présentoirs, routage, manipulation de chariots et de palettes… L’entreprise compte déjà 7 bureaux en France.

 

Ce modèle de partenariat ou joint-venture social est appelé, selon les vœux du gouvernement et de Bercy, à se développer dans les années qui viennent : « Les personnes en situation de handicap sont plus que jamais touchées par le chômage, les chiffres de demandeurs d’emploi ont doublé en 10 ans », analyse Thibaut Guilluy. « Les entreprises adaptées existent depuis longtemps, mais celle-ci a un atout supplémentaire, c’est qu’elle offre en plus un tremplin vers l’embauche dans d’autres entreprises. Nous avons un taux de sorti positif vers l’emploi de 70% contre 20% pour les entreprises adaptées traditionnelles. La logistique est un secteur favorable à ce type de projet, parce qu’elle nécessite un panel de compétences extrêmement varié, de la plus basique à la plus difficile, et que de surcroît, elle ne peut pas délocaliser ses emplois. Quand nous avons sollicité XPO, cela a tout de suite fonctionné parce que cela avait du sens des deux côtés, pour nos collaborateurs et pour leurs collaborateurs, avec une relation clientèle innovante. D’autre part, cela proposait à XPO de remplir ses obligations légales en matière d’emploi de personnes handicapées ».

 

 

Marie MEHAULT